La formation du psychologue clinicien 

La formation du psychologue clinicien 


                                                                                           Léa-Lou Rakotoasitera
                                                                                 7 janvier 2022 à Paris

Depuis l’installation de ma consultation, je reçois régulièrement des étudiants en psychologie clinique.  Le manque de formation clinique dont ils font régulièrement état fait écho à différents groupes, cette fois-ci de professionnels, présents sur les réseaux sociaux. Ces étudiants comme ces professionnels se posent de nombreuses questions relatives à leur pratique. Dans la majeure partie des cas ces interrogations, légitimes et de la plus haute importance, témoignent de leur ignorance face à la pratique clinique, d’un cruel manque de formation et de l’absence dans leur vie professionnelle d’un encadrement de leur pratique - autrement dit - de supervision. Le problème que met en évidence ce constat est que les uns, bientôt diplômés, et les autres déjà diplômés ont entre leurs mains une responsabilité clinique de taille. Lorsqu’un être souffrant s’adresse à quelqu’un pour l’aider et que la personne qui l’accueille est elle-même en situation de détresse et n’a ni lieu, un divan notamment ni supervision pour encadrer sa pratique, il n’y a rien d’étonnant à ce que cette cure puisse tourner au vinaigre.

La visée n’est pas de pointer les étudiants en psychologie et les psychologues du doigt mais de leur signaler qu’une autre voie est possible si leur désir de devenir clinicien est au rendez-vous. Le leurre de la proposition universitaire se situe dans l’épithète « psychologie clinique », la clinique nécessite une formation solide à laquelle l’université ne forme pas, elle forme à la psychologie. Le paradoxe se trouve au sein même de la proposition car la psychologie tire du côté du renforcement du Moi tandis que la formation du clinicien nécessite une rigueur quotidienne, « une danse » pour reprendre les mots du Docteur de Amorim, une souplesse qui ne s’apprend pas à l’université, mais qui existe bel et bien au sein de la clinique psychanalytique. Les Moi des étudiants et des professionnels devenus des Moi forts les aveuglent et ceux-ci ne prennent pas la mesure de leurs responsabilités. Notamment, lorsqu’ils exposent leur clinique sur des réseaux sociaux en attente d’une réponse gratuite offerte par un autre qui en prendrait la charge et non dans le cadre confidentiel et professionnel d’une supervision. Pour information si un choix clinique doit un jour venir à être justifié devant un tribunal, seul le professionnel en question peut s’en expliquer, ni l’université, ni les réseaux sociaux n’en seront tenus responsables. Le fâcheux de la situation, est que par ignorance ou gonflement du Moi, parfois les deux, l’étudiant ou le psychologue compromet la sécurité des personnes reçues tout autant que la sienne.

Quelques années plus tôt, lorsque j’ai connu les bancs de l’université et l’entrée dans la vie active, je me suis confrontée à cette difficulté de la pratique clinique, à cette ignorance et ce manque de formation. Heureusement pour moi quelqu’un, Diane Merakeb, psychothérapeute, a accepté de m’écouter et ce en fonction de mes moyens financiers, me permettant ainsi l’accès à la possibilité de construire une autre voie que celle de l’ignorance. En parallèle de ma psychanalyse personnelle, j’ai fait appel à plusieurs superviseurs, avant de m’y retrouver. D’abord un psychologue-psychanalyste, puis une psychiatre-psychanalyste, ni l’un ni l’autre ne m’a appris à conduire une cure psychanalytique. Cela a fonctionné lorsque, soutenue par la personne qui m’écoutait, je me suis donnée le droit de m’adresser sérieusement à un psychanalyste et non plus à un « tiret – psychanalyste ». Ce superviseur, Docteur de Amorim, a permis par son désir, sa rigueur théorique et son expérience de la clinique psychanalytique de proposer un cadre régulier, hebdomadaire et de transmettre des indications cliniques claires pour mener les cures des patients et psychanalysants que je recevais et continue de recevoir. 
Cette formation clinique ne peut être exempte d’une psychanalyse personnelle en parallèle et d’un travail théorique.

J’entends déjà les résistances qui s’élèvent à l’encontre de ma proposition : « tout cela a un prix » ou encore « cela nécessite beaucoup de travail » ; oui, la position de clinicien ne peut s’obtenir sans effort, sans y mettre de soi, du temps et de l’argent.

C’est d’ailleurs pour soutenir ce désir qu’existe le dispositif de Consultation Publique de Psychanalyse fondé par le Docteur de Amorim et proposé par les membres du RPH. Dispositif qui s’applique d’ailleurs pour la cure personnelle autant que pour la supervision individuelle et de groupe. Une voie possible existe pour les personnes dont le désir est au rendez-vous, de sortir de cette ignorance, d’apprendre sur soi et d’être formées. Je peux d’ailleurs en témoigner personnellement, cette expérience, que j’ai vécue et que je continue de vivre, produit des effets quotidiens dans ma vie personnelle et professionnelle, notamment la possibilité d’un travail heureux, non sans vague, c’est le lot de la clinique.