Tarantino : l’explicateur

 

Édith de Amorim

Paris, le 31 janvier 2020

 

Voir les films dont tout le monde parle après tout ce monde-là qui donne son avis n’est pas si mal.  Voir Once upon a time in Hollywood de Quentin Tarantino aux alentours de Noël a été une double surprise : le film m’a plu, beaucoup, longtemps occupée et les commentaires qu’on m’en fit éclairèrent autrement ma lanterne sur ces opineurs.

 

Ce film représente, à mes yeux, la plus sévère mais juste critique du Hollywood de ce XXIe siècle. De quoi s’agit-il ? Au départ, d’une lumière, acteur de son état, l’acteur Leonardo DiCaprio, et de son ombre, la doublure, l’acteur Brad Pitt, de la fin brutale, elles le sont toujours, d’une époque : août 1969 avec ses hippies en armées d’innocents, Charles Manson en dément démoniaque qui plane autant que son ombre et Sharon Tate en victime propitiatoire.

 

Et Tarantino n’en fait qu’à sa tête d’Hollywoodien parfaitement formé : il nous donne à voir la part lumineuse des ombres quelles qu’elles aient été et la part d’ombre des lumières tristes, ici ce sont les hippies, véritables jouisseurs, c’est-à-dire véritables ombres qui se prennent pour des lumières et qu’on a longtemps considérés comme des êtres merveilleusement pacifistes. Mais ce réalisateur met de la lumière là où il y a, non pas l’ombre, mais l’opaque, l’obscur, l’inconscient.

 

Ainsi, dans ce film ce moment  très drôle – pour moi – où dans les coulisses d’un tournage où nous suivons l’acteur qui joue la doublure d’un acteur sur le déclin et qui donc se cherche du boulot, dans ces coulisses aux allures de grange, se trouve un certain Bruce Lee à qui notre doublure met une raclée en deux temps trois mouvements. Les commentaires fâchés des fans de Bruce Lee ont fait le tour de la planète pas que virtuelle, même la fille de cet illustre artiste s’en est prise à Tarantino qui a donné sa très piètre opinion qu’il a de Bruce Lee (arrogant). Pourtant ce que j’ai trouvé très drôle c’est la caricature de faiseur de rois que Tarantino porte à merveille : car c’est entendu, arrogant ou non,  Bruce Lee était un homme de l’art, un maître des arts martiaux, mais ça Hollywood-Tarantino s’en moque et fait du maître un niais et tout le monde crie au scandale.

 

Autre scène, la finale : où les méchants – surtout les méchantes – se trompent de maison et entrent chez le voisin de Sharon Tate, j’ai nommé l’acteur sur le déclin, incarné par DiCaprio où se trouve pour la dernière fois sa doublure, Brad Pitt. Les assassins sont exterminés et de quelle manière, devinez ? À la Tarantino. Une des méchantes écervelées – je parie sur celle qui dans la vraie vie de cette nuit d’août 69 assassina si sauvagement Sharon Tate suppliante de lui laisser la vie pour elle et son enfant à naître bientôt – finit même au chalumeau.

 

Moralité : la violence a un bon côté pour Hollywood du moment que ceux qui passent à sa moulinette sont de vrais enfants de salauds. Avec ce film Tarantino dévoile, que dis-je ?, éclaire, illustre la méthodologie : Hollywood s’empare des faits parmi les plus réels et les réécrit à sa convenance sans rien changer au procédé : ça tape dur, longtemps, et du moment que c’est le bon qui reste en vie que ce soit avec les moyens des méchants, des brutes, des ignorants, des agressifs, peu lui chaut.

 

Moralité autre : méfions-nous des pinacles, voyez ce qui arriva