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Le désir féminin compris comme monstrueux

Le désir féminin compris comme monstrueux

Édith de Amorim

Paris, le 1er juin 2020

 

 

A la nouvelle qu’une enfant de quinze mois se masturbait, une jeune femme tout juste enceinte se demandait comment elle réagirait si elle avait une fille.

Cette information l’a bouleversée, mise très mal à son aise. « C’est grave », a-t-elle pensé immédiatement. Grave qu’une si petite fille se masturbe.

 

Freud dès 1905 sortit l’enfant du confinement asexuel où les sociétés de l’époque le rangeaient méthodiquement. On sait ce qu’il lui en coûta d’exhumer la sexualité de ce soi-disant âge d’innocence.

On sait moins qu’en 2020 le tumulus est toujours présent dans la représentation que se font les adultes de l’enfant : un être pas érogène pour un sou !

Pourtant, ce qui se devine à travers ce dire de psychanalysante c’est que c’est surtout l’être féminin qui est interdit, par le malaise qu’il provoque chez l’adulte, de plaisir érotique.

  

« Lâche ça ! » intimait sa mère à sa petite sœur qui touchait sa culotte ; mais c’était plutôt un : « Tiens-la lui ! » quand sa mère lui ordonnait – en sa qualité de fille aînée – d’accompagner son petit frère de quatre ans aux toilettes pour qu’il fasse pipi !

L’enfant, quel que soit son corps, se procure du plaisir en se frottant, se tortillant, se touchant, s’introspectant. Cependant, l’accueil réservé à ses expérimentations ne sera pas le même selon qu’il sera fille ou garçon.

 

En 1973, Elena Gianini Belotti publiait à Milan son essai sociologique Da parte delle bambine qui fut traduit en français en 1974 sous le titre Du côté des petites filles paru aux Editions des femmes ; son livre mettait en lumière les stéréotypes et discriminations dont l’éducation des petites filles était si grosse.

Ses observations, pourtant pertinentes, sont restées comme autant de lettres mortes et aujourd’hui encore elles fourbissent les munitions des féministes qui veulent passer outre la différence des sexes pensant ainsi régler cette question.

Or s’en tenir à l’idée – idéologie ? – que pour abolir des différences de traitement entre fille et garçon, homme et femme, il faut abolir purement simplement la différence des sexes est un raisonnement d’où ressort l’inénarrable remède du cautère sur la jambe de bois.

 

Ne peut-on penser autrement la différence des sexes en partant de ces observations si désolément constantes : pourquoi le féminin est-il si peu prisé, si pauvrement estimé, si généralement gaussé, si facilement moqué, si aisément détesté des hommes, comme des femmes ?

 

Pourquoi le plaisir érotique de la petite fille est-il si insupportable, à la mère en particulier ? Pourquoi le désir de leur homme est-il insupportable à nombre de femmes ?

 

L’adolescence de mes filles m’amena à leur parler de leur poitrine naissante, de leur beauté neuve pour elles dans ce rapport aux autres et de ce que cela supposait de séductions bienvenues et malvenues ; elles ne pouvaient plus aller dans cette indifférence de leur belle allure, vêtues de cette feinte de n’en rien savoir.

 

Une femme ne feint pas, elle assume de savoir où elle est et ce qu’elle y vient chercher. Une femme ne se fait pas horreur.