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La santé mentale de l’enfant en France et les questions de son financement

La santé mentale de l’enfant en France et les questions de son financement

Paris, dimanche, le 26 mars 2023

Nouha Babay, étudiante en psychologie

 

Le 7 mars 2023, le Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge, (HCFEA), a publié un rapport sur la santé mentale des enfants et adolescents en France intitulé QUAND LES ENFANTS VONT MAL : COMMENT LES AIDER ?[1]

À la lecture de ce titre, je me suis précipitée pour découvrir les propositions pour aider les enfants en souffrance. Sur les 172 pages du rapport, mis à part le constat « alarmant », comme il est indiqué dans le document[2], je n’ai trouvé qu’un recyclage de propositions et d’idées déjà mises en place et qui n’ont abouti qu’à l’échec d’une politique de soin mettant au centre l’enfant dans une position d’objet sans invoquer la responsabilité de différents acteurs dans cette détérioration de la santé mentale juvénile en France.

Dans ce rapport, composé de cinq grandes parties, les auteurs dressent un état des lieux sur la santé mentale des enfants et des adolescents en se basant sur l’analyse de « l’ensemble des rapports officiels des institutions publiques[3]». Ils ont interrogé les dynamiques institutionnelles et les politiques appliquées à la santé mentale des enfants et des adolescents. Ils pointent du doigt l’offre de soin proposée à cette population. Selon les rapporteurs, cette situation déplorable est due au  manque de médecins spécialistes, notamment les pédopsychiatres, au manque de moyens et de places dans les institutions, telles que les Centres Centre médico-psychologique (CMP) et les Centres Médico-Psycho-Pédagogiques (CMPP). À cela, s’ajoutent les difficultés de recrutement de personnels soignants spécialisés.

Pour porter secours à une maison qui brûle depuis des années, les auteurs du rapport clôturent la première partie en faisant sept propositions, parmi lesquelles « la proposition 13 » qui appelle à « déjouer l’inaccessibilité d’une prise en charge thérapeutique actuelle en santé mentale »[4] et notamment en renforçant les CMP et CMPP. La « proposition 14 » porte sur la facilitation de « l’accès des consultations de psychologie pour les enfants et adolescents remboursées par l’assurance maladie »[5]. De même, à la toute fin du document, nous trouvons cette phrase : « L’accès aux psychothérapies en libéral, s’il est ouvert à tous par principe, se heurte à la réalité de l’accessibilité économique et profite d’abord aux enfants issus des familles les plus aisées, ou les mieux informées et orientées.»[6]

En réalité, cette situation n’a rien de nouveau, et elle dure depuis quelques décennies. Les arguments avancés quant au coût inaccessible de suivi en libéral sont complètement fallacieux. À ce propos, le 23 avril 2014, le docteur Fernando de Amorim, président du RPH - Réseau pour la Psychanalyse à l’Hôpital-École de psychanalyse - a écrit une brève intitulée « Fermeture de CMP » dans laquelle il invite les praticiens à « inventer une nouvelle clinique »[7]. Cette nouvelle clinique est construite sur le modèle de la CPP, Consultation Publique de Psychanalyse, dispositif mis en place au sein du RPH depuis septembre 1991 et qui a fait ses preuves depuis sa création.

Ce dispositif, qui s’origine dans l’expérience du docteur de Amorim au sein du service de médecine interne de l'hôpital Avicenne à Bobigny (93), a pour objectif de rendre accessible la psychothérapie ou la cure psychanalytique à toute personne désireuse (enfants, adolescents, adultes) de rencontrer un psychothérapeute ou un psychanalyste quels que soient ses moyens financiers.

Quant à la gratuité que propose le modèle de remboursement des soins que suit l’assurance maladie et certaines associations, elle ne fait qu’empirer la situation « alarmante » ; puisque au lieu d’élever l’être vers son désir, elle le place dans la position de quémandeur.

À la CPP, chaque patient ou psychanalysant n’ayant pas les moyens est invité à régler toujours selon ses moyens. La question du règlement des séances vise à sortir l’être de son aliénation. Même un enfant est invité à régler sa séance en proposant un dessin ou un poème au clinicien.

Grâce au dispositif de la CPP, les personnes en souffrance, quels que soient leur âge, leurs origines, leurs orientations ou leur statut social, ont la possibilité de rencontrer un clinicien assez rapidement, d’éviter les longues listes d’attentes pour accéder à un soin psychique sans engorger des services publics déjà saturés.

Depuis 1991, le docteur de Amorim invite les « psychistes » et les services publics à expérimenter le modèle de la CPP. Sa proposition est de réunir un groupe de cliniciens (5 à 10 cliniciens) en louant « une pièce dans un bâtiment public, dans une mairie, dans une école, et qu’ils acceptent de former des étudiants et superviser leur conduite de la cure »[8]. En 6 mois, voire un an, la proposition est d’évaluer cette expérience et d’examiner son fonctionnement ou non.

Ainsi, se plaindre des restrictions budgétaires et des manques de moyens ressort davantage de l’excuse qui nourrit le fantasme du « tout gratuit », qui nie la responsabilité de l’être et produit un modèle sociétal qui impose une politique du moindre effort.

 

 

[1] Le Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge, QUAND LES ENFANTS VONT MAL : COMMENT LES AIDER ?, le 7 mars 2023, https://www.hcfea.fr/spip.php?rubrique8

[2] Ibid, p.7

[3] Ibid, p.10

[4] Ibid, p.37

[5] Ibid

[6] Ibid, p.152

[7] De Amorim, F. (2014), « Fermeture du CMP » in Brèves 2014-2015, Paris, RPH, 2021, p.141

[8] De Amorim, F. (2020), Psychanalyse gratuite ? le prix à payer, https://www.fernandodeamorim.com/details-psychanalyse+gratuite+le+prix+a+payer-501.html