Réseau pour la Psychanalyse à l’Hôpital > L'école > Carnet du RPH > La fonction du diagnostic dans la cure psychanalytique

La fonction du diagnostic dans la cure psychanalytique

La fonction du diagnostic dans une cure psychanalytique
A Paris, le 24.II.2021

Monsieur I. est venu à ma consultation pour entamer une psychothérapie. Il était en train de terminer, en parallèle, un bilan diagnostic avec un psychologue et un psychiatre pour
confirmer être ou non atteint d’autisme, comme pouvaient lui laisser présager certains de ces comportements, attitudes et mécanismes de pensées depuis l’enfance. Le diagnostic d’autisme a été invalidé par ces professionnels, qui ont invité monsieur I. a poursuivre la psychothérapie qu’il avait entamée depuis peu. Nous remercions ces messieurs d’avoir su nourrir la cônification du transfert1 pour que la cure de ce patient puisse aller de l’avant.

Dans le champ de la cure, que ce soit au cours d’une psychothérapie avec psychanalyste ou
d’une psychanalyse, l’hypothèse diagnostique et le diagnostic sont utilisés pour ajuster la
conduite de la cure à la structure psychique du patient ou du psychanalysant concerné.

Après plusieurs semaines de psychothérapie, monsieur I. dira être « parano ». J’examine : il affine et dit penser être paranoïaque. Il donne à ce terme une définition assez floue. La
technique du dictionnaire – mise en place par Fernando de Amorim comme outil clinique –
est alors employée. À l’aide d’un dictionnaire, il a pu se référer à la définition de la langue
française et à partir de là, attester qu’il – ou plutôt son Moi – se reconnaissait paranoïaque.
Ce fut le premier moment de la pose du diagnostic.

À partir de cet instant, en faisant confiance au discours du patient, la cure a été conduite avec les recommandations propres à la structure psychotique : le clinicien n’interprète pas, ne suspend pas les séances de manière trop abrupte, écoute l’être en supportant le transfert. Voilà à quoi sert le diagnostic : à conduire la cure de manière à ce que l’être ne se retrouve pas malmené par cette dernière, qu’elle lui soit supportable et qu’elle lui permette de construire une existence vivable pour lui, avec les moyens qui sont les siens.

Il est à noter que la technique du dictionnaire, si elle indique le champ dans lequel nous
naviguons – ici dans les eaux de la psychose – ne donne pas pour autant une preuve fiable
quant à la structure psychique face à laquelle nous nous trouvons.  

La cure se poursuit, mais sans la précision d’un diagnostic établi.

Par la suite, un désir de savoir a émergé chez monsieur I., a été entendu et vérifié, et a autorisé le clinicien à proposer le divan : monsieur I. est entré en psychanalyse.
Plus tard, dans ce que nous pouvons nommer le moment deux, une certitude est apparue dans le discours de ce psychanalysant. Selon les indications techniques d’Amorim, cette certitude délirante a été vérifiée positivement, permettant d’attester que ce psychanalysant est, en effet, psychotique. Six mois s’étaient écoulés depuis son entrée en psychanalyse. La conduite de la cure a pu à nouveau être rectifiée au plus proche de la route de fond qui lui correspond2 .
Nous avons donc affaire à une psychose. Mais laquelle ?

Pas de précipitation dans le diagnostic. Si se présente dans le discours de monsieur I. un objet persécuteur et que ce dernier est du même sexe que lui, il sera alors possible de valider le diagnostic de paranoïa pour ce psychanalysant. Cette indication se trouve chez Freud dans l’article Communication d’un cas de paranoïa contredisant la théorie psychanalytique (1915)3.

Ce sera le moment trois de la pose du diagnostic, celui-ci pourra alors être établi solidement. Impossible de hâter le diagnostic : un temps logique, propre à chaque cure, est nécessaire pour qu’il s’affine et se confirme.

À l’heure où se multiplient des réseaux de centres experts dans la pose de diagnostic de
pathologies psychiques, centres qui peuvent donner des indications de traitement mais
n’assurent pas de thérapeutique4 , il nous apparaît capital d’exposer de quelle manière travaille le psychanalyste, l’usage qu’il fait du diagnostic et la logique qui guide la conduite des psychothérapies et des psychanalyses des malades, patients et psychanalysants qui chaque jour s’engagent dans leur cure pour donner corps à leur désir de guérison, de reconnaissance ou de savoir 5 .





[1] La cônification du transfert est un terme de Fernando de Amorim pour désigner l’action du médecin qui va
orienter le malade ou le patient vers le psychanalyste.
[2]Amorim, (de) F. La clinique du psychanalyste, 2020, https://www.fernandodeamorim.com/details-
la+clinique+du+psychanalyste+aujourd+hui+paris+9eme-542.html
[3] Freud, S. (1915). « Communication d’un cas de paranoïa contredisant la théorie psychanalytique », in Œuvres Complètes, Vol. XIII, Paris, PUF, 1994, p.313
[4] Gonon, F. « Quel avenir pour les classifications des maladies mentales ? Une synthèse des critiques anglo-saxonnes les plus récentes », L’information psychiatrique, 2013, vol. 89,
no 4, p. 285.
[5] Amorim, (de) F. Proposition d’une « Cartographie de la clinique avec le malade, le patient et le psychanalysant, à l’usage des médecins, psychistes et psychanalystes, en institution et en ville », 2011, https://www.rphweb.fr/details-proposition+d+une+cartographie+de+la+clinique+avec+le+malade+le+patient+et+le+psychanalysant+a+l+usage+des+medecins+psychistes+et+psychanalystes+en+institution+et+en+ville-140.html