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Histoire d’un passage du masculin au féminin de l’Imaginaire au Réel

Histoire d’un passage du masculin au féminin
de l’Imaginaire au Réel

Paris, le 27.02.23

Au RPH, un groupe réfléchit sur la question du féminin, voici un compte rendu inspiré d’une
lecture d’une tragédie de Racine et de bien d’autres.

Histoire d’un passage de la toute-puissance, issue de l’Imaginaire, dont le porte-étendard est cet homme « aphligé réellement du phallus »1, à l’agent qui devient objet et à l’objet qui devient agent, un tore du diable…

Non, pas de diable dans cette affaire de passage, mais un effet sur l’éclat adamantin de cet
Imaginaire – je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu2 – terni par ce talc nacré du Réel : « … vint, vous vit, et vous plut. »3  ; l’agent qui « vint, vous vit » devint cet objet qui « vous plut », Madame.

C’est le grand Jean Racine qui, quelques mille sept cents ans après Jules, offrit aux femmes de traduire cette formule lapidaire pour un nouveau conquérant : il s’appelle Titus et rentre à Rome couvert de sang et de gloire, appelé à devenir empereur et son ami et rival en amour, Antiochus, déplore : « Titus, pour mon malheur, vint, vous vit, et vous plut. ».

La tragédie adossée à la Préhistoire et voilà, pour moi, une belle façon de faire l’histoire du
féminin : depuis la nuit de ces heureux temps où la bipédie offrit des horizons plus larges à
tous ses lauréats et, particulièrement, une physiologie panoramique du fait de la perte des
signes visibles de l’œstrus chez la femme : dorénavant, le rut ne concernait que les animaux dont nous n’étions plus, n’en déplaise aux antispécistes. « La disparition des signes visibles de l’oestrus est une des caractéristiques essentielles de la sexualité humaine. » 4

Les hommes, en leur qualité d’exempts des mises-bas, se laissèrent aller à des ascensions pas toutes belles mais pas que nulles, bref ils conquéraient. Les femmes, partant de la parturition, eurent à s’arroger l’accouchement se hissant ainsi au-dessus des femelles, des pondeuses.Mais, aujourd’hui dans une moindre mesure, comme hier – la gésine n’est jamais loin du gésir, n’en déplaise aux dithyrambistes de la GPA et sans doute est-ce là une autre raison du féminin de ne pas se complaire au service des Dieux odieux, vengeurs et sanguinaires.

Ainsi Titus crut pouvoir se passer des oléandres de ses conquêtes et aimer Bérénice. Las.
Rome, ici l’autre nom du Réel, ne l’entend pas de cette oreille : pas d’étrangère, pas de reine qui, bien qu’elle s’en défende : « La grandeur des Romains, la pourpre des Césars, N’a point, vous le savez, attiré mes regards. »5 , la femme se retire « Adieu, Seigneur, régnez : je ne vous verrai plus. »6 servant à Antiochus une leçon de castration symbolique : « Je l’aime, je le fuis ; Titus m’aime, il me quitte. » et personne ne se tue. Résipiscent mais point componctueux tel est le féminin.


1 Lacan, J. (1974/75), Séminaire Livre XXI, R.S.I., leçon du 11 mars 1975, inédit.
2 Traduction littérale de Vini, vidi, vici d’après Plutarque : déclaration de Jules César au Sénat en 47 av JC.
3 Racine, J., (1670), Bérénice, Acte I, Scène IV, Antiochus.
4 Cohen, C. , Femmes de la Préhistoire, Editions Tallandier, 2019 et 2021, p. 97.
5 Racine, J., Bérénice, Acte V, Scène dernière, Bérénice.
6 Idem.