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Dans l’affaire des Procréations Médicalement Assistées – PMA

 

Dans l’affaire des Procréations Médicalement Assistées – PMA

Édith de Amorim
Paris, le 15 octobre 2023

Le Figaro – samedi 14 – dimanche 15 octobre 2023 – Article d’Agnès Leclair : « PMA pour toutes : la révolution des maternités solos »

La lecture de l’article est instructive, voire révolutionnaire à plus d’un titre dont voici le premier : « (…) Solène a compris qu’elle avait ‘fait le deuil d’un enfant à deux’ ». Le deuil d’un enfant à deux ? En d’autres termes, elle ne croit plus à la rencontre avec un autre, voire une autre. Toutefois, elle croit – dur comme fer – aux autres qui seront là pour elle ; ces autres qui sont ses amis qui « (…) lui répétaient qu’ils la verraient bien avec un enfant. » Drôles d’amis-perroquets qui répètent qu’un enfant lui irait bien et Solène qui juge que « (…) c’est normalisé d’être maman solo (…) Je suis propriétaire, je gagne bien ma vie. J’ai même racheté une voiture (…) », voici énumérées les « bonnes conditions pour accueillir un enfant ». Ce premier titre révolutionnaire est donc le rayage du père et même du géniteur au profit de leur plus simple expression, c’est-à-dire spermatozoïdes ou gamètes ou même paillettes et la dépréciation de l’enfant qui d’être, est précipité à chose.

Autre titre révolutionnaire : depuis le vote de la loi de bioéthique qui, en 2021, a ouvert la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules, la demande explose ; d’ailleurs, c’est à se demander si la demande est capable d’autre chose que d’exploser. Ainsi donc la demande de PMA avec don de spermatozoïdes – ça fait quand même un peu deux – s’enflamme et singulièrement celle des femmes seules ; à l’hôpital Tenon à Paris « (…) la proportion des femmes célibataires est encore plus élevée. Elles représentent les deux tiers des demandes. (…) » Qui sont ces femmes seules ? « Jeunes femmes d’une vingtaine d’années, femmes asexuelles ou aromantiques, trentenaires qui dissocient le couple de la parentalité... (…) et [elles] ne cherchent pas le prince charmant pour faire un enfant (…) » énonce Madame Bénédicte Blanchet de Mam’ensolo. Un prince charmant ? Est-ce là un propos post-féministe et révolutionnaire ? Ou l’énième stigmate d’un Œdipe pas réglé ? Dire que les jeunes femmes arrivent à la vingtaine en ayant à renoncer au prince charmant est chose désolante, même ignominieuse pour ces jeunes femmes. À l’en croire, cette Bénédicte Blanchet, les jeunes femmes de 2023 seraient en tout point comparables aux Jeanne Le Perthuis des Vauds[1]  de 1883 ! Ce n’est pas la réalité à laquelle je suis exposée en tant que femme, mère, et psychanalyste : des jeunes femmes courageuses qui ne rêvent pas du légionnaire qui sentirait bon le sable chaud. Dans ce même titre, il y a la présidente de Mam’ensolo, Margaux Gandelon qui, selon la journaliste, s’amuse : « Nos enfants et nos familles existent depuis longtemps mais, là, on passe à un niveau de production industrielle. » Ce doit-être un Witz post-féministe !

Cette loi de 2021 a décidé aussi, et entre autres choses, de défendre l’accès aux origines des enfants nés d’un don et donc « (…) les anciens stocks de paillettes ‘anonymes’ ne pourront plus être utilisés après mars 2025. » Et voilà un autre titre révolutionnaire qui concerne l’Agence de biomédecine puisque l’article nous apprend que cette Agence a lancé vendredi 13 une campagne dite « d’information », mais en réalité de publicité et donc plutôt exactement « d’incitation », campagne appelée « Faites des parents ». Si vous allez sur le site de l’agence vous aurez accès aux spots qui invitent aux dons de gamètes avec ce beau slogan « Donner ses gamètes ce n’est pas faire un enfant, c’est faire des parents ». On comprend que l’heure est grave pour en arriver à de tels préceptes en oubliant au passage de préciser que le don des jeunes gens ne sera pas anonyme et qu’ils devront toujours vivre avec la possibilité d’un, mais plutôt plusieurs rejetons, vu l’efficacité de la science, qui sonneront à leur porte dans 20 ou 30 ans plus ou moins. C’est qu’il semble que le meilleur des mondes biomédicaux soit en chemin. (Pas glop ![2]). Et comment faire entendre que William Wordsworth et Sigmund Freud avec cet « enfant est le père de l’homme » faisaient état d’un état ignoble de l’être devenu majeur mais pas adulte ? S’ajoute à cela que, prudente, « La loi ne dispose que pour l’avenir (…) » énonce l’article 2 du Code civil et donc les enfants nés d’un don avant 2025 auront les plus grands impossibles à connaître leur origine. C’est comme ça la loi.

Encore un autre titre révolutionnaire qui concerne les médecins qui ont à faire face à la demande béante et non plus seulement à faire monstration de leurs talents. « ‘Mais les maternités solos cristallisent les questionnements car elles placent les médecins en position de devoir évaluer les projets parentaux’ explique Hélène Malmanche, anthropologue chargée d’étude à l’Ined et sage-femme. » ; et pourquoi cela ? Parce que « (…) ‘Nous n’avions pas pensé que des femmes si jeunes feraient cette demande’ reconnaît Marine Jeantet » directrice de l’Agence de biomédecine. C’est comme pour tout : on n’a pas pensé que … à… Et, d’ailleurs, j’y pense : qui pense aux femmes sapiosexuelles ?

Nous voilà rendus à la quasi fin de 2023 or en 2020, le 16 juin, bien avant la loi de bioéthique, mes collègues Magali Sabatier et Julie Mortimore publiaient une brève intitulée Un enfant à tout prix que vous pourrez lire sur le site du RPH et de Magali Sabatier, les histoires de Madame A et Madame Z, surtout Madame Z… À bon lecteur, salut.


[1] Maupassant (de) G., 1850-1893, Une vie, roman dont Jeanne Le Perthuis des Vauds est le personnage principal.
[2] Pifou dixit