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Avant l’heure c’est pas l’heure, après l’heure c’est plus l’heure

 

Avant l’heure c’est pas l’heure, après l’heure c’est plus l’heure

 

Jean-Baptiste Legouis

Paris le 12 octobre 2014

 


Souvent les colloques des psychanalystes ont lieu le samedi, et parfois même le dimanche. Il y a là une indication de leur engagement avec leur désir. C’est un beau désir qui les pousse, de temps à autre, à se réunir un jour de week-end pour parler entre eux et avec d’autres de leur pratique quotidienne et de ses enjeux. Ce ne sont pas tous les week-ends, et heureusement, les psychanalystes ont aussi des familles et des amis à voir et à choyer, du repos et du plaisir à prendre.

 

Pourtant, souvent, les psychanalystes donnent une mauvaise image de ce beau désir, et, par là-même, une mauvaise image d’eux-mêmes et de la psychanalyse.

 

Je vais l’illustrer avec quelques exemples. Lors d’une de ces journées, j’arrive après la pause prévue pour le déjeuner, à l’heure indiquée sur le programme pour la reprise des exposés. L’amphithéâtre est déjà au deux tiers rempli. Je m’installe et j’attends. Vingt-cinq minutes plus tard, arrivent, nonchalamment, sans se presser, les trois intervenants et le modérateur qui s’installent derrière une table sur l’estrade, sans un mot d’explication ou d’excuse.

 

Le premier intervenant fait son exposé, suivi d’un bref commentaire du modérateur. Le deuxième intervenant a ensuite la parole. Au moment où débute l’exposé du troisième intervenant, le premier prend ses affaires, se lève et quitte la salle, sans un mot.

 

Quelle image cela donne-t-il des psychanalystes et de la psychanalyse ?

 

Si cet homme a un impératif professionnel ou personnel qui l’oblige à quitter la table ronde, où il a été invité, avant qu’elle ne soit terminée, qu’est-ce qui l’empêche d’en prévenir l’assemblée et ses collègues, et de s’en excuser ? C’est qu’il ne prend soin ni de lui, ni de ses collègues, ni de son désir.

 

Un peu plus tard, lors d’une autre table ronde avec trois autres intervenants, un temps d’échange avec la salle a lieu. Un monsieur, qui se présente comme psychanalyste, prend la parole et s’adresse à l’un des intervenants qui vient de répondre à une question du modérateur. Il dit : « Je suis arrivé en retard. Je le regrette car c’est un sujet qui m’intéresse au plus haut point. Alors bon, je n’ai pas entendu votre exposé mais je voudrais faire une remarque par rapport à ce que je viens d’entendre. ».

 

Comment un psychanalyste peut s’autoriser à tenir un tel discours où la goujaterie le dispute à la bêtise ? Car si le sujet l’intéressait véritablement au plus haut point, comment son désir l’a-t-il amené à arriver avec plus d’une heure de retard ? J’étais moi-même arrivé en retard à cette table ronde. Je ne me suis plus senti, de ce fait, légitime à prendre la parole pendant le temps de discussion. Il me semble que c’était le prix à payer par respect pour les intervenants et pour mon désir que j’avais maltraité.

 

C’est par des comportements de cette sorte que nous abîmons l’image et la réputation des psychanalystes et de la psychanalyse. Ce n’est pas étonnant, car, comme l’a montré Sigmund Freud, la résistance est présente du début à la fin d’une psychanalyse. C’est une vigilance permanente et l’engagement éthique avec notre désir qui devrait nous pousser à en prendre le plus grand soin. Mais la haine qui n’a pas pu se dire sur le divan se devine dans ces comportements où transpirent le manque de respect et la médiocrité.

 

Car si les psychanalystes ne sont pas les premiers à donner l’exemple, comment attendre des psychanalysants qu’ils le fassent ? Les psychanalystes devraient être les premiers hérauts des effets que leur propre psychanalyse a produits chez eux. Quelle meilleure manière de le faire que de ne pas abandonner la position de psychanalysant ? 

 

Il y aura assurément de notre désir d’y être, le samedi 15 novembre 2014, pour continuer de parler de toutes ces questions, lors de notre prochain colloque intitulé « Sur les effets d’une clinique psychanalytique ». Nous ferons tout notre possible pour le partager avec vous, dans toute sa vitalité et toute sa beauté.

Soyez à l’heure !