Marie-Alix Rapon
Domont, le 24 novembre 2025
La psychanalyse, quelle belle trouvaille du très connu et controversé Sigmund Freud. Le premier à avoir écouté, entendu la souffrance de celles que l’on nomme hystériques. Avant lui, elles – parce qu’en majorité des femmes – étaient folles, trop bruyantes, incompréhensibles, actrices… Comment aujourd’hui, dans une société occidentale qui se targue d’aller vers une évolution positive des mœurs et des us et coutumes, des sénateurs peuvent-ils souhaiter mettre de côté ce qui a pour vocation même d’entendre la souffrance d’autrui ? Alors qu’un combat fait rage entre ceux, conservateurs, qui souhaitent faire retourner la société à un âge où la plupart d’entre nous n’avaient que peu de droits et ceux qui se veulent défenseurs de la liberté, comment pouvons-nous encore remettre en question ce qui a, depuis plus de cent ans, fait ses preuves dans l’accompagnement de personnes en souffrance ?
Il est vrai, j’ai été récemment diplômée. Récemment été embauchée à l’hôpital. Récemment commencé une psychanalyse. On pourrait donc me répondre que je ne sais rien, que je ne connais pas “la vraie vie” et que mesdames et messieurs les sénateurs souhaitent ce qu’il y a de mieux pour la population française. Néanmoins, depuis ma première lecture de Freud, je ne peux imaginer la “vraie” vie sans inconscient, sans prendre en compte, constamment, que « le moi n’est pas maître dans sa propre maison »1. Et cela me permet de naviguer dans les eaux troubles de ma psyché pour trouver, et aller vers mon désir. Ce dernier, comme celui des membres du RPH – École de psychanalyse et, je l’espère, du personnel soignant, tous métiers confondus, comprend la dimension d’accompagner les autres vers un mieux-être. Pour ma part, accompagner les patients sans prendre en compte la psychanalyse revient à scotomiser la vérité de l’inconscient.
Mais alors, quel rapport avec l’amendement 159 ? Alors que je ne sais rien et que je ne cherche qu’à trouver ma voie et aider d’autres à faire de même… Je réponds que l’enseignement de la faculté, comme base de réflexion, mêlée à l’enseignement du RPH – École de psychanalyse, comme ouverture et consolidation, m’ont permis de considérer que la psychanalyse bien faite, qui amène le patient ou psychanalysant à bien dire, est la seule voie. Ainsi, la psychanalyse bien faite est une psychanalyse qui n’est pas médiatisée par l’État. Que ce soit à travers les budgets dérisoires alloués aux services hospitaliers ou le paiement des consultations par la Sécurité Sociale, la personne en souffrance n’est que rarement au centre de la réflexion. Les professionnels se battent pour un bureau, pour des bouteilles d’eau, pour faire entendre leurs conditions de travail désastreuses. Les patients sont vus deux fois par mois, une fois par semaine quand ils ont de la chance, et pensent n’avoir d’autres choix que d’adhérer à ce système de soin.
Alors oui, ces structures sont primordiales. Les CMP sont pensés comme un lieu pluridisciplinaire où les patients les plus précaires peuvent voir médecins, assistantes sociales, psychologues et autres plus facilement. Je pense que l’importance des hôpitaux publics n’est pas à discuter non plus. Néanmoins, le patient, une fois engagé dans un suivi, est rarement accompagné à faire un réel travail. Ce serait du soutien, tout au plus, qui finit, pour certains, par n’avoir pas plus d’utilité qu’un objet addictif.
Du côté de la psychanalyse non remboursée au RPH – École de psychanalyse, la Consultation Publique de Psychanalyse (CPP) permet à chacun de s’investir, à la hauteur de ses moyens. Contrairement à ce que certains disent, les psychanalystes ou psychothérapeutes du RPH ne sont pas avares. Ils ne cherchent pas à se faire de l’argent par tous les moyens sur le dos de pauvres gens en souffrance. Ils cherchent à engager la personne qui dit souffrir à comprendre et aller vers son désir. Cela n’est pas possible sans laisser quelque chose de soi, sans faire le deuil d’une liberté infinie. Le temps du nourrisson, pour qui un cri faisait venir de la nourriture dans les cinq minutes, est terminé, grandissons un peu ! Payer n’équivaut pas à rendre quelqu’un de riche. Payer, c’est acter le travail du clinicien et s’engager à échanger un peu de souffrance contre un peu de désir.
Alors oui, je pense qu’empêcher le remboursement des soins d’orientation psychanalytique n’a pas de sens. Les psychologues n’ont aucune obligation à exposer leur obédience à leur employeur ou à leurs patients et la psychanalyse n’a jamais été remboursée par la Sécurité Sociale. Mais c’est tout de même une attaque contre une pensée qui est à l’origine de toute la psychologie que nous connaissons, et donc une attaque envers le psychisme et le désir des Français et Françaises. À cela, nous répondons que la psychanalyse a encore de beaux jours devant elle et que le RPH, ainsi que les cliniciens qui le composent, travaille d’arrache-pied pour permettre à ceux qui souffrent de parler cette souffrance et faire naître leur subjectivité.
- S. Freud, (1917), Essais de psychanalyse appliquée, Paris, Gallimard, 1952. ↩︎
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