Complexe d’Œdipe ? Ça existe encore ?

Edith de Amorim
Paris, le 25 octobre 2022
 
Un malheur n’arrivant jamais seul, après la guerre potentiellement nucléaire qui nous attend, les coupures d’électricité possibles pour l’hiver qui vient, la moutarde qui manque encore dans les rayons et les post-fascistes à nos portes, voici que le complexe d’Œdipe manquerait de caution scientifique.
 
Qu’on se le dise, les scientifiques veulent de la garantie, du nantissement, de l’assurance pour admettre que, du fin fond de cette préhistoire qu’est la petite enfance, les liens originaux qui attachent les enfançons à ces grands autres qui ont à en prendre soin, sont des liens qui se transforment en entraves et empêchent nombre de majeurs à vivre longtemps, longtemps après que les « poètes » ou « dieux » ou « parents »  ont disparu.
 
Cette proximité qui a raté le coche de la sortie du complexe d’Œdipe, autrement dit qui a raté le coche de la castration symbolique, cette proximité-là au fil du temps qui passe se fait promiscuité insupportable et douloureusement symptomatique à forte teneur autodestructive. Nos amours enfantines blessées ne nous font jamais de cadeau, ne nous laissent jamais ni de répit, ni en repos.
 
L’Œdipe qui n’est pas traversé, ne gît jamais comme un gentil cadavre ou un joli passé, jamais. Il agit crescendo : d’abord moderato puis fortissimo.
 
Louise 27 ans : se sent moche, fatale, perdue dès qu’elle met un pied en direction de son désir car, alors, ses jambes vacillent, sa voix tremble, son ventre se noue douloureusement ; elle abandonne son travail et va dans le noir danser toute seule ; se masturber est régulièrement attaqué par un retour de refoulé pas piqué des hannetons : c’est pour son père qu’elle danse cette danse du ventre et qu’elle le voit devenir fou de désir pour elle.
 
Romuald, 40 ans : sa mère a toujours fait sa loi à la maison, son père n’avait rien à dire et il était l’élu de sa mère pour son malheur car, contrairement à ce que ne dit pas l’article sur le complexe d’Œdipe il concerne également l’être majeur qui désire le mieux pour son enfant et ne souffre aucune entrave dans sa jouissance du fils. Pour Romuald, son père toujours silencieux, l’a laissé tomber face au désir de sa mère et quand il assista au premier mariage d’un ami il opta, inconsciemment, pour le vacillement afin de toujours éviter d’avoir à ressembler à son père taiseux et faible.
 
De quel groupe de contrôle nous parle Jacques Van Rillaer lorsqu’il proclame : « Freud ignorait la notion de groupe de contrôle. » dans l’article d’Aurore Aimelet paru dans « Le Figaro » du Lundi 24 octobre 2022 ? Dans ce groupe d’êtres humains, tous, absolument tous sont contaminés par le langage, le désaide, le désir et la différence des sexes. De quel groupe humain indemne de ces rencontres ce monsieur se fait-il le chantre ?
 
L’article pointe comme autre réfutation du complexe d’Œdipe l’universalité du concept en avançant que pas tous les enfants n’auraient à traverser cette ambivalence des sentiments. Qui sont-ils ces enfants qui aimeraient ou haïraient tout d’une pièce tout le temps sans doute ni interrogation ni remise en question ?