You are currently viewing Amendement 159 – ni science, ni vérité : du réchauffé

Amendement 159 – ni science, ni vérité : du réchauffé

Docteur Ouarda Ferlicot
Courbevoie, le 26 novembre 2025

Un groupe de sénateurs propose un amendement 159 visant l’arrêt des remboursements de soins, se référant à la psychanalyse en institution sous couvert d’arguments fallacieux tels que« garantir la cohérence scientifique et l’efficience des dépenses de l’assurance maladie ».

La psychanalyse n’est pas une technique comportementale qui vise à corriger un comportement, ni une technique de l’universel. Elle propose à chacun une écoute singulière de ce qui échappe, soit d’entendre l’histoire subjective, celle qui fait conflit et qui se manifeste par des symptômes, seule façon que le Moi de l’être a de se faire entendre.

Pour ces raisons, la valeur et la scientificité de la psychanalyse ne s’appuient pas sur le modèle classique des sciences qui compare a avec b, mais sur celui du un par un, soit en comparant a avec a au moment 1, à l’entrée, puis au moment 2, à la sortie d’une psychothérapie ou d’une psychanalyse selon ce qu’a théorisé Fernando de Amorim, président du RPH – École de psychanalyse1. De cela, les psychanalystes du RPH, par leur travail, le témoignage de leur clinique dans les colloques, les supervisions et contrôles, mais également au sein des dispositifs de passe, peuvent témoigner des effets cliniques et sociaux incontestables pour les êtres qu’ils reçoivent, mais aussi pour eux-mêmes puisque tous sont en psychanalyse et la continue.

Quand la sénatrice Guidez fait référence au rapport de 2004 de l’INSERM2, elle oublie qu’en science, on actualise ses connaissances. Ainsi, depuis, sont parus d’autres ouvrages et articles dont : « The Efficacity of Psychodynamic Psychotherapy » (2010)3, « L’évaluation et l’efficacité des psychothérapies psychanalytiques et de la psychanalyse » (2020)4, L’efficacité de la psychanalyse. Un siècle de controverses (2021)5. Ces articles et ouvrages mettent en évidence les effets bénéfiques et sur le long terme des psychothérapies d’inspiration psychanalytique, soit ce qui peut se pratiquer en institution.

La psychanalyse, elle, celle qui se pratique en cabinet, peut être évaluée à partir des témoignages cliniques tels qu’ils se transmettent au sein des procédures de passe.

Que cela concerne les névroses, les psychoses, les perversions, mais également avec l’autisme ou les nouveaux symptômes comme les troubles déficitaires de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), la psychanalyse, celle pratiquée au sein du RPH, a toujours répondu présente auprès de ceux qui l’ont sollicitée.

Une psychanalyse n’investit pas le symptôme comme une défaillance ou une incapacité du cerveau ; au contraire, le symptôme est considéré comme une création du Moi de l’être pour supporter quelque chose d’insupportable. Ainsi, la psychanalyse permet de resituer la responsabilité de l’être au centre de ce qui lui arrive pour lui indiquer qu’il y est pour quelque chose, seule façon pour lui de s’en sortir.

Je reçois une patiente qui souffre d’avoir eu le diagnostic dyslexique enfant et à qui l’on a dit « toute ta vie ça sera comme ça ». Quelle phrase accablante ! L’être est alors réduit à son symptôme et ne peut être reconnu dans sa subjectivité propre. Aujourd’hui, grâce à sa cure, elle fait l’expérience que cela peut être autrement et que la voie peut être différente. Elle n’est pas obligée de s’installer sur la voie tracée de cet Autre, mais aujourd’hui crée sa propre voie, à partir de ses propres choix.

Nous le savons tous, ce qui coûte à la sécurité sociale, c’est la branche maladie et la branche dépendance. Sur ce point les psychanalystes auraient beaucoup à apprendre aux sénateurs sur le repérage de Sigmund Freud, anciennement médecin et neurologue, avant de consacrer sa vie à la psychanalyse, sur la fuite dans la maladie et les bénéfices de la maladie.

La seule personne capable d’entendre cette souffrance et de la mettre au travail psychanalytiquement, c’est-à-dire sans recourir à une technique de comportement du Moi ou de suggestion, c’est le psychanalyste. Nous le trouvons dans l’intimité de son cabinet. Il vit de son travail, ne coûte pas un centime à l’État ; bien au contraire, il lui rapporte doublement : d’abord parce qu’il paie des impôts et des charges sociales, ensuite parce que le travail qu’il fait auprès des êtres leur permet de s’élever socialement.

Dans nos cabinets, nous constatons tous les jours que les patients et psychanalysants quittent leur canapé pour retourner au travail, transforment leur angoisse et leur anxiété paralysante en action créatrice dans leur vie professionnelle et affective, s’élèvent socialement en obtenant des promotions, en quittant un travail qui les rend malheureux et dans lequel ils ne sont pas reconnus. Bref, celui qui a investi ce qu’il pouvait se voit récompensé de son effort en devenant indépendant et autonome, là où le projet des sénateurs consiste essentiellement à prendre là où il n’y a pas et à assister là où il ne faudrait pas. Je ne connais aucune clinique capable de produire de tels effets de transformation psychique durables en dehors de la psychanalyse.


  1. Amorim (de), F. Projet pour une psychanalyse scientifique, Paris, RPH, 2015, p. 194. ↩︎
  2. Canceil, O., Cottraux, J. & Falissard, B., et al.. « Psychothérapie : trois approches évaluées ». [Rapport de recherche] Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), 2004. ↩︎
  3. Shedler, J. « L’efficacité de la psychothérapie psychodynamique ». American Psychologist, 2010, n° 65 (2), 98‑109. ↩︎
  4. Rabeyron, T. « L’évaluation et l’efficacité des psychothérapies psychanalytiques et de la psychanalyse ». L’Évolution Psychiatrique, 2020, n° 86 (3). ↩︎
  5. Visentini, G. L’efficacité de la psychanalyse. Un siècle de controverse, Paris, PUF, 2021. ↩︎