Quand j’étais étudiante, j’entendais souvent les professeurs d’université dire dogmatiquement que le DSM, Manuel diagnostic et statistique des troubles mentaux1, était une bible et qu’il fallait l’avoir sur sa table de chevet. Pour ma part, je trouvais qu’il manquait d’âme, de swing et de profondeur pour accompagner mes songes vers les bras de Morphée. Peut mieux faire !
On nous disait que c’était le manuel pour apprendre le langage commun avec les médecins. Un langage médical, organiciste, qui ne parle pas à l’Être, de l’Être. Un langage, une novlangue orwellienne, qui s’atrophie ou s’étoffe selon les oscillations des perspectives budgétaires des politiques de santé d’une époque donnée : les laboratoires pharmaceutiques créent une molécule désinhibante, la timidité devient une maladie mentale. Autre exemple, le traitement de l’hystérie ne peut être remboursé, ses symptômes sont décomposés et rangés dans des catégories de troubles qui peuvent l’être, comme l’hypochondrie, les dysmorphophobies (troubles somatoformes) et la dépersonnalisation (troubles dissociatifs). L’hystérie n’existe plus, les hystériques non plus et leur souffrance également. Comment se repérer dans la conduite de la cure avec un référentiel aussi fluctuant et peu enclin à l’éthique clinique ?
En dernière année de Master de psychologie, de nombreux intervenants psychologues sont venus nous parler de leurs pratiques institutionnelles. Je me souviens avoir posé à l’un d’entre eux les questions suivantes : concrètement, c’est quoi votre travail et comment vous faites ? Autrement dit : quelles cartes, quelle boussole, quelles balises pour naviguer sur l’immense océan de la cure ? Sa réponse, trop vague, ne m’avait pas convaincue.
Le Manuel clinique de psychanalyse2, écrit par onze membres cliniciens psychanalystes et psychothérapeutes du RPH – École de psychanalyse, sous la direction du docteur Fernando de Amorim, s’adresse à l’étudiant, au psychiste et au médecin désireux d’en savoir davantage sur une clinique de l’inconscient actuelle et vivante. Ce manuel permet de réviser les fondamentaux de la théorie freudo-lacanienne et apporte des indications techniques élaborées à partir de la clinique du psychanalyste en ville ou en institution, dans la position de psychothérapeute ou de supposé-psychanalyste.
Le Manuel clinique de psychanalyse n’est pas une bible intouchable, mais il est une invitation à l’adresse des cliniciens du monde entier à se mettre au travail d’une actualisation constructive et continue de son contenu, la psychanalyse ; car c’est cela faire science.