Édith de Amorim
Paris, le 15 décembre 2025
Mildeca est le sigle pour Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives. Cette Mission a un président, monsieur Nicolas Prisse. Il a accordé un entretien à Thomas Saintourens paru dans le journal Le Monde daté du mardi 9 décembre 2025.
Monsieur Prisse nous prévient : « Cette étude pose une alerte sanitaire. Une alerte liée à la méconnaissance des consommateurs des risques liés aux drogues stimulantes, utilisées comme drogues de la performance en milieu professionnel, en milieu sexuel, en milieu festif. » La performance. Ce mot dont le dictionnaire nous livre l’origine hippique (1839) de son acception : les courses de chevaux ; puis ça passe au monde des athlètes et, enfin, des engins mécaniques. La définition ne le dit pas mais le sens s’en déduit sans trop de difficultés : la performance, en tant que mot, met l’accent sur un temps court (la course).
Le signifiant « performance », lui, devient un élément du discours qui détermine les actes, ici d’autodestruction ; il met l’accent sur cet acte de durer et sur cet autre de refuser la castration symbolique. Ces consommateurs de drogues stimulantes baignent en plein oxymore et l’idée que « […] parler d’une même voix en réussissant à convaincre toute une strate de professionnels qui sont au contact des plus jeunes […] dire que tout ça est vraiment mauvais pour eux » semble être une idée faible qui ignore tout des chimies fâchées et outrées qui aboutissent à l’alchimie de cet âge trouble appelé adolescence. La colère et la haine n’ont que faire d’un discours unique sur une vérité unique. Une telle vérité n’aura jamais fait renoncer un jeune fâché et décidé à en découdre avec ses parents ou la terre entière et s’il peut se faire du mal en cherchant à faire mal à l’autre, le tour sera joué. En psychanalyse, cela s’appelle jouissance morbide ; c’est elle qui, aujourd’hui, déclenche les alarmes autour de ces lieux singuliers où se retrouvent ces consommateurs de stimuli performatifs en travail, en sexe et en fête. Notamment l’alerte donnée quant au choix qu’ils font d’ignorer les dangers encourus par leur si beau et si précieux myocarde. L’Imaginaire ici aux commandes a toujours été prompt et rompu à l’art de brosser des tableaux particulièrement bucoliques pour couvrir les miasmes des enfers, ainsi : la cocaïne ne serait pas addictive et rendrait plus fort.
Monsieur Prisse témoigne encore : « Mais il y a des milieux de vie que l’on doit investir davantage : l’enseignement supérieur, l’université, l’apprentissage postbac… Il faut aussi montrer à tous les professionnels et aux dirigeants d’entreprise que c’est dans leur intérêt d’agir. Toutes les consommations de drogue montrent une augmentation des arrêts de travail et une perte de la productivité. » Outre les drogues, le désespoir, l’inhibition conduisent immanquablement eux aussi aux sorties de vies actives, sociales et amoureuses et au sein du RPH nous travaillons à limiter ces dégâts-là. Et lorsque vous dites : « Enfin, il n’y a pas de traitement pharmacologique de la dépendance avec les stimulants. Il faut donc qu’on investisse dans la recherche […] », je ne peux m’empêcher de me demander pour quelle raison l’implication des cliniciens du RPH, qui, chaque jour, reçoivent des êtres en souffrance de dépendance qui dans leur cure construisent des ponts qui les ramènent sur d’autres rives, est-elle aussi superbement ignorée de votre Mission. Vous concluez : « Le risque est tel qu’il doit nous obliger dès à présent à démultiplier nos efforts afin de ne pas être dépassés. » Être dépassés, nous le sommes tous, mais au RPH – École de psychanalyse cela ne nous empêche pas de travailler et de triompher – le mot n’est pas trop fort pour qui connaît la clinique – de ce Moi en proie aux pires dérives haineuses.
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