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Proposition d’une « Cartographie de la clinique avec le malade, le patient et le psychanalysant, à l’usage des médecins, psychistes et psychanalystes, en institution et en ville »

 

Proposition d’une « Cartographie de la clinique avec le malade, le patient et le psychanalysant, à l’usage des médecins, psychistes et psychanalystes, 
en institution et en ville »

Fernando de AMORIM

A Paris, le 12.X.2011

 

Le titre vise la topologie clinique où se trouve l’être, soit dans la position de malade, patient ou psychanalysant. Vise la position qu’occupe celui qui opère, soit dans la position de médecin (n’importe quelle spécialité de la médecine, à l’exception de la psychiatrie), de psychiste (psychothérapeute, psychiatre, psychologue et tout autre porteur du préfixe psy). Le psychanalyste occupe une position à part. La troisième partie du titre vise l’espace où se déroule la rencontre entre l’être et l’opérateur.

 

a)   Cette cartographie est le fruit du frottement clinique avec les médecins, les malades et les patients de médecine et chirurgie d’un côté et les œuvres de Freud et de Lacan de l’autre. 

Ce document appelé « Cartographie » n’est pas définitif. Il ne demande qu’à être rectifié, réaménagé. Ainsi, toute question et proposition pourront être adressées à l’adresse mail : f.dea@wanadoo.fr. Soyez-en d’ores et déjà remerciés. 

b)   Historiquement, la question de l’entrée et de la sortie d’une psychanalyse a travaillé et travaille encore les psychanalystes. Mon intention, avec cette cartographie, est de faire en sorte que les psychanalystes, où qu’ils se trouvent dans le monde, puissent repérer et se repèrer sur la conduite de la cure, avec des malades en institution, sur la conduite d’une psychothérapie, ce qui les met dans la position de psychothérapeute face à la névrose, psychose ou perversion et la conduite de la cure d’une psychanalyse. Comment déterminer la sortie d’une psychanalyse, si sortie de psychanalyse il y a, dans la névrose, mais surtout dans la psychose et dans la perversion ? C’est à partir de chaque cas clinique que nous pouvons faire appel à la cartographie pour savoir si nous allons dans la bonne voie, si nous tournons en rond avec notre psychanalysant ou si le bateau de la cure prend l’eau. 

 

Au fur et à mesure de ma propre psychanalyse et de la conduite des psychanalysants mes désaccords avec Freud et Lacan sont apparus. Mais ces désaccords cliniques et théoriques ne signifient pas rejet du corpus doctrinal. Si on n’a pas fait le tour de Freud, on est loin du compte pour Lacan. On a du travail devant nous. 

 

Cette page A4 support de la cartographie est le résultat d’une exigence des médecins en général qui veulent savoir sur la clinique psychanalytique mais trouvent ses concepts flous, voire peu rigoureux. Mon idée était de leur montrer que la clinique psychanalytique est très bien articulée, que la rigueur exigée en biologie est comparable à celle exigée en psychanalyse, à condition de respecter l’environnement de la baleine et de l’ours polaire. En un mot, il faut demander le demandable. Nous pouvons attendre d’un adulte qu’il parle, mais pas d’un nouveau-né. Coller l’exigence scientifique de la physique à la psychanalyse c’est vouloir allonger cette dernière dans un lit de Procuste.

 

L’objet de la psychanalyse c’est le désir. Pour y accéder, pour en savoir un bout, les psychanalystes s’appuient sur les associations libres du malade, du patient et du psychanalysant. Même le langage biologique peut entrer dans le champ de la psychanalyse, à condition que le moi enveloppe l’organisme. C’est à ce moment que nous pouvons parler de corps. 

 

Pour celles et ceux qui travaillent avec les malades de médecine, ce moment peut être touché du doigt : dans un premier temps, le temps d’une psychothérapie avec psychanalyste, nous allons avoir ce que j’avais appelé une fantasmatisation de l’organisme (colonne 2 et 3 de la cartographie). J’avais donné ce nom pour éviter que les médecins écrasent le discours du malade en affirmant que le fait que « son chien, sa mère sont morts n’a rien à voir avec le déclenchement de son cancer ».

 

C’est vrai qu’il n’y a pas de relation biologique, mais il y a relation psychiquement pour le malade. En lui demandant de dire davantage sur son hypothèse, je gagne le transfert du malade. Des névrosées sont entrées en psychanalyse, des psychotiques ayant des délires mystiques en relation à leur maladies organiques ont fait une psychothérapie qui a permis le traitement médical et les a apaisé par la suite (la personne en question continue sa psychothérapie avec psychanalyste, pour introduire une distinction d’avec la psychothérapie avec psychothérapeute). 

 

Avec ce transfert, né dans l’enceinte des institutions, qu’elles soient médico-chirurgicale ou psychiatrique, je peux envisager d’opérer cliniquement. Je donne plusieurs rendez-vous par semaine, voire par jour, aux malades de médecine, dans la mesure de leurs possibilités. Dénoncer, ou donner une connotation péjorative aux nombreuses séances que Lacan donnait à ses psychanalysants c’est faire la preuve d’une très grande mauvaise foi, d’une incompétence ou d’une ignorance clinique majeure. 

 

C’est parce qu’on (le patient et le psychanalyste) met la gomme, que le malade ou le patient peut entrer en psychanalyse, par un processus que j’avais appelé la question au grand Autre (passage colonne 2 à la colonne 3). Une fois en psychanalyse, commencent les choses sérieuses, au sens où l’être enveloppe l’organisme dans le hamac lacanien (il avait évoqué cela en 1957 si mes souvenirs sont bons dans une interview à l’Express). Ce hamac n’exclut pas le réel de l’organisme. A ce moment de la cure, une danse s’installe entre le réel, le symbolique et l’imaginaire. Et cette danse je l’ai appelée corporéification de l’organisme pour mettre en évidence les effets du symbolique et la présence consistante des paroles vraies. 

 

Dans la colonne 3, il n’est plus question de maladie organique ou de symptôme quelconque. L’être se prépare à devenir sujet (colonne 4). Sujet pour de vrai, dans son rapport à l’Autre, aux autres et au réel. 

 

La question de la passe me travaille. Cette procédure mise en place par Lacan visant, entre autres, à éviter l’idéalisation et la bureaucratisation est, dans la cartographie, déplacée sur le discours du psychanalysant. A la fin d’une psychanalyse, nous avons un sujet (colonne 4) et non un psychanalyste. On devient psychanalyste selon la séquence suivante : le patient, en posant sa question l’Autre entre en psychanalyse. A ce moment le praticien dans la position de psychothérapeute devient supposé-psychanalyste. Quand le psychanalysant devient sujet, le supposé-psychanalyste devient effectivement, psychanalyste, de cette cure-là. 

 

La prudence vise à signaler que le clinicien a tout l’intérêt d’être très gentil et très compétent à conduire la cure, puisque c’est le discours de l’être dans la position de psychanalysant, et nulle autre personne, qui le reconnaîtra en tant que psychanalyste. J’écris supposé-psychanalyste, il est psychanalyste, certes, mais de cette cure-là. Je lutte pour ne pas figer le psychanalyste. S’il se fige il s’éloigne de ce qui est le plus beau et le plus revigorant, à savoir, le désir. 

 

Pour en terminer, Monsieur Miller m’a donné comme consigne que le texte soit court : la question de la psychanalyse sans fin pour le psychanalyste. Au lieu d’être une punition, cela doit être lu comme un avantage pour le psychanalyste, pour ses psychanalysants. Freud, prudent, avait déjà remarqué que ses pairs avaient des boutons quand ils allaient sur le divan. Il propose diplomatiquement que les psychanalystes retournent au divan tous les cinq ans. D’autres ont proposé des auto-analyses. Cela n’est bon ni pour le psychanalysant ni pour la psychanalyse. Je pense que le psychanalyste devrait être plus ami du désir de savoir qui l’anime.