Tout ou rien

 

Tout ou rien

 

Diane Sourrouille

Paris le 30 juin 2017

 

 

« J’ai du mal à venir et suivre vos règles parce que j’ai l’impression que du coup je ne suis pas libre. Je ne peux pas faire ce que je veux ». Voici les propos tenus par Clara, psychanalysante, après que j’ai dû lui rappeler qu’elle était attendue comme convenu deux fois par semaine et que je lui demandais de payer les séances manquées si elle ne venait pas. 

 

La suite de la séance amène ces propos : « Ça me fait penser à mes parents, eux aussi ils voulaient que je suive des règles alors qu’eux-mêmes ils étaient toujours absents ! Je me suis toujours dit que je voulais être libre, je ne supporte pas l’autorité, qu’on me dise ce que je dois faire. Je veux faire tout ce que je veux quand je veux ! Je tiens à ma liberté ! ».

 

Sous une autre forme, Laurent, un psychanalysant parlant également de son désir de liberté « totale », «pleine », se demandait si la vraie liberté ce n’était pas « de n’avoir rien, de vivre en ermite ». 

La liberté, bien que toujours relative, nombre de personnes la recherchent et la revendiquent même comme un droit. Mais, dans la bouche de Clara et Laurent, s’agit-il d’une liberté qui permet à l’être de grandir ?

 

Ici il me semble plutôt que nous pouvons entendre dans leurs paroles l’injonction que Lacan attribuait au surmoi : « Jouis ! »1. Fernando de Amorim a rectifié ces propos en signalant que ce n’est pas le surmoi mais la résistance du surmoi qui est à l’origine de cette injonction.

 

Au contraire d’entendre chez ces deux psychanalysants, un apaisement, nous pouvons percevoir la recherche d’une jouissance sans frein, une recherche épuisante et inlassable puisque Clara pourra dire, « je sais que ce n’est pas possible d’avoir tout ce que je veux mais ce n’est pas une raison pour renoncer, je vais persévérer ». Et en effet, elle persévère et ne peut lâcher, pour le moment, cet imaginaire d’un tout possible, elle souffre beaucoup car rien de ce qu’elle peut faire n’étanche jamais cette soif de liberté.

Ces deux psychanalysants nous signalent, en négatif, ce que peut être une liberté qui permettrait à l’être de grandir et d’être apaisé.

Soit une liberté qui a des limites, où la castration symbolique a pu produire ses effets.

 

Alors, il devient possible de supporter une liberté « vraie » comme le dit Laurent, une liberté relative qui implique de faire des choix, de perdre mais sans pour autant s’exclure de la cité ou devenir miséreux tel qu’il l’imagine là encore pour éviter d’avoir à faire avec le manque qui implique d’avoir un peu mais pas tout. Il lui préfère le tout ou rien qui l’un dans l’autre se révèlent équivalents dans ce qu’ils soulignent l’impossible d’un manque.

Les règles de la psychanalyse visent à faciliter la castration symbolique indispensable pour pouvoir supporter le manque sans en souffrir et assumer de manière responsable sa liberté.

 

 

 

1Lacan, J. (1972-1973), Le Séminaire, Livre XX, Encore, Seuil, 1975, Paris, p. 10.