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Quelles différences y a-t-il entre psychanalyste, journaliste et politique ? à Paris 75

Psychanalyste, journaliste et politique

 

Jean-Baptiste Legouis
Paris, le 04. VII. 2011

 

Le magazine Marianne n°741 du 02 juillet 2011 fait sa couverture sur un dossier intitulé : « Ces névrosés qui veulent nous gouverner – Les candidats sur le divan des psys ». Dans cet article sept psychistes se prêtent à l’exercice d’analyser la personnalité de treize candidats à l’élection présidentielle de 2012. Parmi ces sept personnes, cinq sont présentées comme psychanalystes, un autre comme élève de Lacan sans préciser s’il est psychanalyste ou non, et un en tant que docteur en psychologie.

 

Les psychanalystes font du tort à la psychanalyse en utilisant les médias de cette façon-là car, se faisant, ils nourrissent chez le lecteur une vision imaginaire du psychanalyste. Ils flirtent avec l’interprétation sauvage. Ce n’est pas parce que Sigmund Freud s’est autorisé à le faire, que nous avons à suivre la même voie aujourd’hui. Si nous nous appuyons sur la position de sujet-supposé-savoir, position dans laquelle nous met le malade ou le patient, pour installer le transfert psychothérapeutique, nous savons pertinemment que nous devons éviter de nourrir cette relation imaginaire, afin de permettre au patient d’entrer en psychanalyse et par là-même de devenir psychanalysant. Cela devrait être la visée de tout psychanalyste. Dans le même ordre d’idée, à savoir le tort que les psychanalystes font à la psychanalyse, on peut se référer à la parution dans Libération, daté du 16 mai 2011, au lendemain de l’arrestation de Dominique Strauss Kahn, d’une interview d’Alain Didier-Weil dans laquelle ce psychanalyste parlait d’acte manqué, alors que personne ne savait ce qui s’était passé dans cette suite, hormis les deux intéressés.

 

Il ne s’agit pas d’exclure la psychanalyse de la vie sociale et politique d’un pays. Nous ne souhaitons pas que la psychanalyse s’enferme dans une tour d’ivoire, se retire au désert. Mais nous devons être vigilants quant à nos prises de position et faire savoir lorsque nous nous exprimons publiquement, si c’est en tant que citoyen ou en tant que psychanalyste. Lorsqu’un psychanalyste prend la parole publiquement il porte une responsabilité vis-à-vis de la psychanalyse. Il s’inscrit dans une lignée et prépare le chemin pour les futurs psychanalystes. Pourquoi s’étonner que les coups portés à la psychanalyse par ses contempteurs le soient par la grâce des verges que leurs tendent si gracieusement ces psychanalystes ?

 

Psychanalyste, journaliste et politique ne font pas bon ménage parce qu’ils entretiennent des rapports aux temps et aux évènements très différents. Si le politique se doit d’avoir un coup d’avance et que le journaliste se doit d’être sur le coup, le psychanalyste, lui, sait que bien des comportements ne s’éclairent que dans l’après-coup, grâce à la parole qui peut émerger soutenue par la règle fondamentale de la libre association.

 

Pour conclure signalons aux lecteurs la réédition de « L’art de se taire » de l’Abbé Dinouart [1].

 

A bon entendeur


[1] Abbé Dinouart, (1771), L’Art de se taire, Payot, Paris, 2011