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Quelles classifications en psychiatrie, en psychanalyse ? Quel diagnostic ?

Les bases conceptuelles des classifications en psychiatrie

Édith de Amorim
Paris, le 30.III. 2012

 

Bernard Gibello, Professeur émérite de psychopathologie, Président de l’Association française de psychiatrie, remarque l’intérêt qu’il qualifie de médiocre de la part de ses collègues psychiatres pour la question, pourtant clé, de la classification. Il en veut pour preuve des chiffres – mais ô combien parlant ceux-là : en 1945, un enfant sur 5.000 était classé autiste quand aujourd’hui c’est un enfant sur cent !

 

Michel Botbol, Professeur de pédopsychiatrie (Université de Bretagne Occidentale), Psychanalyste, Secrétaire général de l’Association française de psychiatrie, rebondira sur ce constat en enfonçant encore un peu plus le clou : concernant la prescription de Méthylphénidate le rapport est de 1 à 10 selon les régions et à l’intérieur même des régions parfois ; ainsi au Pays Basque, d’une vallée à l’autre on retrouve ce rapport dans le taux de prescription de ce médicament et ce en fonction de la formation du psychiatre : formé en Angleterre le rapport est de 10, formé en France de 1 !

 

Si je vous dis que le méthylphénidate – ou MPH – dont la principale indication est le trouble du déficit de l’attention et de l’hyperactivité (TDAH) est un médicament psychotrope qu’on retrouve notamment dans la Ritaline ; en France et dans d’autres pays il fait partie des substances assimilées aux stupéfiants ; la controverse porte précisément sur l’accroissement des prescriptions du méthylphénidate dans le traitement des troubles de l’adolescence…

 

Marc Kirsch, Docteur en philosophie, Maître de conférences au Collège de France, Directeur éditorial de La Lettre du Collège de France ; ce que j’ai retenu principalement de son intervention est cette citation de Poincaré : « Une classification ne peut-être vraie mais commode ! » que je trouve formidablement judicieuse !

Il parla de la science descriptive et taxinomique issue de l’observation et pas du tout expérimentale !

Le philosophe – tenant du DSM – avait l’intention de nous entretenir de ce que font les classifications sur les personnes mais n’en eu pas le temps ! A peine parla-t-il des classifications interactives qui produisent un effet sur l’être.

 

Xavier Briffault, Chargé de recherches au CNRS, membre du conseil de laboratoire du Centre de recherches, médecine, sciences, santé, santé mentale, société-Cermes 3, membre du Haut Conseil de la Santé Publique (Commission spécialisée Prévention, éducation et promotion de la santé), vif, acéré, offensif contre les systèmes d’évaluation, de statistiques. Il cita Vincent Descombes, philosophe français spécialiste des philosophies du langage et de l’action, lui-même citant La Fontaine et son Ours grand ami de l’amateur de jardin qu’il finit par écrabouiller au motif de le libérer d’une mouche… L’ours est, ici, la santé publique, l’amateur des jardins est la santé mentale et la sociologie aux dires de Briffault.

Ce dernier parla également de l’EBM – Evidence Based Medecine – (médecine basée sur les preuves) équivalent selon lui à « chercher sous le lampadaire !

 

Jean Garrabé, Psychiatre honoraire des hôpitaux, Président d’honneur de L’Evolution psychiatrique, de son intervention voici les deux, trois choses que j’ai retenues :

Il parla d’Henri Ey qu’il dit sceptique à l’égard d’une classification sur les maladies mentales (à l’époque DSM II) notamment du fait de l’évolution constante des classifications

Il parla du Congrès d’Honolulu qui condamna la psychiatrie soviétique ; et de la Déclaration d’Hawaï sur l’éthique en psychiatrie.

Il cite un appendice intéressant du DSM IV en ce qu’il est relatif à des troubles liés à l’influence culturelle

Il est, entre autres ouvrages, l’auteur d’un « 100 mots pour comprendre la psychiatrie » aux Empêcheurs de penser en rond qui est intéressant.

 

Jean-Jacques Kress, Professeur émérite de psychiatrie à l’Université de Bretagne Occidentale, Président d’honneur de l’Association française de psychiatrie et du Syndicat des psychiatres français, et aussi spécialiste de l’éthique en psychiatrie et selon lequel il est difficile de conjoindre classification et éthique. Il passe rapidement à la notion de diagnostic pour aborder cette confrontation, diagnostic qui est fourni par le magasin des classifications ; il parle de la dimension identificatoire du diagnostic. Il évoque le fameux Code Nuremberg (1947) élaboré dans la foulée du jugement des médecins qui participèrent aux expérimentations dans les camps de concentration, ce code met la lumière sur le non moins fameux consentement du patient et articule médecine et éthique

 

Il cite Paul Ricoeur pour qui appliquer une règle à un cas c’est produire du sens et Jacques-Alain Miller citant lui-même Kant définissant le juger comme l’action de décider si la règle s’applique.

 

Pour Kress, le diagnostic – ou jugement – n’est pas de nature computationnelle mais suppose un arrachement : il décompose le diagnostic en trois moments distincts, le premier, l’observation puis vient le « je décide que » et enfin les conséquences de cette décision pour le patient ; ce moment de décision il l’appelle « le centre aveugle du jugement », « l’assomption de la responsabilité » c’est, pour lui, l’éthique du sujet du jugement.

Il évoque le poids spécifique plus lourd du jugement diagnostic en psychiatrie (stigmatisation) et plus incertain également.

 

Roger Misès, Professeur émérite de pédopsychiatrie à l’Université de Paris Sud, Membre d’honneur de l’Association française de psychiatrie, intervient à la suite de cette présentation pour dire : « comme certains disent que la guérison vient de surcroît, le diagnostic lui aussi vient de surcroît »…

 

Samuel Lézé, Anthropologue, Maître de conférences en anthropologie, Chargé de mission « sciences et société » (Institut français de l’éducation) à l’Ecole Normale Supérieure de Lyon, celui qui se présente comme pouvant expliciter les critères moraux et surtout implicites qui régissent les différents groupes sociaux ; la question n’a pas été posée de savoir comment nommer ceux qui sont en mesure d’expliciter les critères moraux implicites régissant le groupe des anthropologues sociaux…

 

Il évoquera beaucoup le principe de l’EBM – Evidence Based Medecine - qui se décline en tout et pas uniquement en médecin mais également en éducation, comme en agriculture, comme en architecture… Il rappelle que la preuve n’est pas scientifique.

Il est rappelé que le « E » de Evidence ne peut pas être traduit par « preuve » mais par « témoignage » ou « indice »

Antoine Besse, Pédopsychiatre, Psychanalyste, Président du Collège thérapeutique de la Fédération française de psychiatrie (FFP), Président d’honneur de l’AFPEP-SNPP, nous parlera du Diagnostic Intégré centré sur la personne – DIP ou PID pour Person-centered Integrative Diagnosis – voici textuellement son projet, sa référence à lui comme à d’autres psychiatres : « L’interactivité du processus diagnostic : dans le PID, le professionnel évaluateur est l'un des partenaires d'un trialogue impliquant également le patient et la famille dans une démarche où ils auront conjointement la charge de mener ce processus afin de planifier des interventions thérapeutiques. »… où est le psychanalyste ?

 

Claude Bursztejn, Professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’Université de Strasbourg, Président de l’Association Nationale des Centres Ressources Autisme (ANCRA) – Responsable du pôle régional pour enfants et adolescents du Centre de Ressources Autisme-Alsace actuellement très inquiété par les décisions de la HAS relatives à la prise en charge de l’autisme. Il parlera uniquement de la CFTMEA – Classification Française des Troubles Mentaux de l’Enfant et de l’Adolescent. Il dénonce une confusion entre autisme et schizophrénie.

 

Roger Misès viendra au secours de son exposé très diapositivé et énumératif et …ennuyeux en précisant comment la classification française s’oppose à l’objectivité des classifications du DSM et en 1980 y fait entrer la subjectivité.

Maurice Corcos, Professeur de psychiatrie infanto-juvénile (Université René Descartes – Paris 5), Psychanalyste, réputé pour ses libelles contre le DSM IV. Il établit les « lignes de force » de l’Europe face aux Etats-Unis où on parle surtout de percept quand les européens parlent de concept, de sensations là-bas et d’émotions ici, d’investissement de l’espace beaucoup plus que de l’histoire et donc du passé !

 

Déni, clivage, projection sont les mécanismes amputants. Son combat contre le DSM IV s’étend aux psychanalystes lacaniens qui – selon lui – ont érigé cette règle de fer de la forclusion du nom-du-père et bâti une clinique avec le psychotique sans fin ! Je m’étonne qu’il cite si inexactement ce point pourtant si connu – et méconnu faut croire – de la clinique lacanienne : c’est la forclusion du signifiant du nom-du-père qui opère dans la psychose ce qui expose à un irréfragable trou symbolique qui peut amplement justifier le recours au tampon de la cure pendant un long cours !

 

Mais quand il dira que l’issue d’un soin psychiatrique dépend de « la réponse de l’objet », l’objet étant le thérapeute je me confonds en perplexité ! Ca ressemble à l’objet a mais qui aurait retrouvé du lustre !

 

Un colloque très intéressant mais qui m’a montré un monde psychiatrique très divisé, ce qui en soit n’est pas grave, mais surtout très désorienté, un peu girouette !