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Qu’est-ce que connaître ses origines ?

 

Un conte de Noël

 

Jean-Baptiste Legouis

Paris le 16 janvier 2018

 

 

J’entends, ce matin, dans la matinale de France Inter, vers 07h00, l’information suivante :

 

« C’est l’histoire d’un homme né grâce à un don de sperme qui vient de retrouver son père biologique et qui entend peser dans le débat sur la future loi bioéthique. »

« Le don de sperme est aujourd’hui anonyme et gratuit en France, mais les états généraux de la bioéthique qui démarrent après demain vont se pencher, notamment, sur cette question car certains enfants nés d’un don de gamètes demandent la levée de l’anonymat au nom du droit de l’enfant à connaître ses origines. Débat délicat qu’illustre l’histoire d’Arthur, jeune homme de 34 ans, grâce à une incroyable enquête qui mêle génétique, réseaux sociaux et généalogie, il a donc réussi à retrouver son père biologique.»

 

S’en suit le récit du journaliste, Thibault Lefèvre, qui nous raconte comment Arthur a reçu, le jour de Noël, un coup de téléphone de son père biologique. Nous apprenons que cet homme, militant associatif, cherche depuis plus de dix ans à connaître l’identité du donneur de sperme anonyme qui a permis à ses parents de l’enfanter. C’est grâce à un test génétique envoyé à une société de biotechnologie américaine qu’il retrouve un cousin éloigné et parvient ainsi par « miracle » (dixit le journaliste) à retrouver le donneur anonyme, à lui écrire et recevoir son appel le 25 décembre.

 

L’expression  « droit de l’enfant à connaitre ses origines » m’interpelle.

 

Qu’est-ce que connaître ses origines ? Où situer les origines d’un être ? Est-ce la rencontre entre un spermatozoïde et un ovule ? Est-ce le patrimoine génétique qui en découle ? 

 

Ce que nous enseigne la psychanalyse c’est que les êtres humains sont tous confrontés à la question de leurs origines. Qu’ils connaissent leurs parents biologiques ou non, la question se pose à chacun, plus ou moins confusément, sous la forme de questions : « D’où je viens ? », « Qu’est-ce qui fait que je suis là ? » ; autrement dit : « Quel est le désir qui a présidé à ma conception et à ma venue au monde ? ».

 

Cette question existentielle existe chez tous les petits d’hommes, quels que soient la façon dont ils ont été conçus et l’environnement familial et culturel dans lequel ils ont grandi. La façon dont chacun s’en arrange est une autre affaire.

 

Cette question et sa réponse éventuelle sont propres à chaque individu car chaque conception est unique.

 

Dans une fratrie également, chaque place à son histoire, garçon, fille, aîné, cadet, benjamin, attendu, inattendu, inespéré, d’un premier lit, d’un second lit, adultérin, naturel, tardif, faisant suite à une fausse couche ou à un avortement. Tous ces éléments et bien d’autres encore peuvent prendre part au désir qui a conçu un être. Et, pour ce qui est de venir au monde, l’être lui-même y est pour quelque chose.

 

L’expression « droit de l’enfant à connaître ses origines » pointe également la distinction à faire entre connaître et savoir. Ce n’est pas parce qu’on connaît ses parents biologiques qu’on en sait davantage sur ses origines. Ce savoir-là ne se trouve pas sous le pas d’un cheval.

 

Il n’y a pas, à ma connaissance, d’autre expérience que la psychanalyse qui permette à l’être d’aller chercher, en lui, un bout de savoir sur ce désir dont il est issu, qui lui échappe, et dont il est pétri.

 

Enfin, nous pouvons nous demander ce que vient faire le droit dans cette histoire. Nous voyons, par ce qui précède, qu’il ne saurait être question de « droit à connaître » dans cette problématique.

 

La fonction de la loi, en l’occurrence, est d’établir les règles de la filiation. Dans notre système légal, les parents d’un enfant sont ceux qui l’ont reconnu ou officiellement adopté, et, ce qu’ils font de la responsabilité qu’ils ont ainsi endossée, ou pas, leur appartient (hors cas de comportements tombants sous le coup de la loi, bien entendu).

 

Libre à l’enfant de trouver père et mère de substitution si ceux que lui a donnés la nature ou la loi ne lui conviennent pas.

 

La liste des questions soulevées par cette histoire n’est pas épuisée, loin s’en faut. Nous y reviendrons sans doute dans de prochaines brèves.