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Le transfert comme levier du passage de l'appel téléphonique d'urgence, via le setu?, à la consultation publique de psychanalyse à Paris 75, avec un psychothérapeute.

 

Théorisation de l’usage de la téléphonie comme instrument clinique (Passage de l’appel téléphonique vers la CPP ou les consultations extrahospitalières)

 

Fernando de Amorim 
Paris le 7. IX. 2011

 

Depuis son entrée dans le quotidien du psychanalyste, Freud a une ligne téléphonique chez lui au début des années 20. Le téléphone fait partie du décor. Lacan avait son combiné par terre à côté de lui, d’autres laissaient le leur au fond du couloir ce qui les obligeait à se lever pour aller répondre. Puis l’évolution de la technique, entre autres choses, participe à la mobilité : on peut alors se balader dans la pièce tout en parlant. Désormais, les téléphones sont cette extension de nous-mêmes – ce que d’aucuns peuvent déplorer -. Dans des situations d’urgence, nous faisons des séances par téléphone, lorsque par exemple, un malade, un patient ou un psychanalysant est hospitalisé.

 

Mon idée est d’essayer de théoriser une manière de faire usage de ce moyen de communication sans perdre ce qui est le plus précieux, à savoir, l’acte clinique. Pour cela il faut savoir interroger ce qui justifie que quelqu’un nous appelle. Au cœur de notre école, le RPH, nous avons un service d’écoute téléphonique d’urgence (SETU ?), en italique et avec un point d’interrogation. Si quelqu’un nous appelle c’est parce qu’il souffre (a). Celles et ceux qui nous appellent pour une « information » sont renvoyés vers notre secrétariat.

 

Ainsi, la question du départ est : Souffrez-vous ? Êtes-vous souffrant(e) ? Si oui, nous allons essayer de distinguer l’affect, l’angoisse par exemple, de la jouissance (b). Il y a des appelants qui souffrent mais qui ne sont pas prêts à lâcher le bénéfice d’une telle souffrance. Ils veulent parler pour « vider leur sac » ou « parler tout en restant chez eux ». Il n’y a pas assez d’angoisse dans ces situations, donc l’appelant n’est pas encore prêt pour reconnaître qu’il souffre d’ignorance sur ce qui lui arrive (c). Ainsi, nous ne pouvons pas encore envisager une opération clinique, c’est-à-dire, les adresser vers un clinicien de notre équipe (« Consultation à l’extérieur » ou Moment 3 ). Par manque de structure clinique ou par manque de cartographie, la grande majorité des services d’écoute se cassent les dents sur ce moment.

 

Supposons, maintenant, que l’appelant souffre, soit tourmenté par l’affect, veuille quitter l’ignorance qui l’habite et, surtout, veuille savoir ce qui lui arrive (d). A cet instant, nous pouvons lui proposer de sortir du haut de la colonne 1, pour passer vers la consultation à l’extérieur, à savoir, notre CPP (bas de la colonne 2), selon ma cartographie (www.rphweb.fr).

 

Notre visée, une fois qu’il arrive chez nous, est de nourrir le transfert, installé au début de la conversation téléphonique, pour qu’il puisse quitter le cercle fermé qui commence avec la souffrance et ainsi devenir psychanalysant (colonne 3), voire sujet (colonne 4) selon la cartographie.

 

Il me semble que hors du registre clinique, le téléphone n’est qu’un vulgaire instrument de communication. Le clinicien doit l’utiliser à son avantage puisqu’il est impossible de l’exclure de notre quotidien.

 

 

 

 

 

De l’appel téléphonique à la position de sujet


Fernando de Amorim 
Paris, le 27. IX. 2011

Quand quelqu’un appelle un membre du SETU ?, il y a déjà un embryon de transfert. Non pas envers la personne de l’écoutant. Il n’y a pas de transfert vers les personnes, mais plutôt un signifiant. 

Notre visée est de faire naître cet embryon, ensuite l’installer dans une relation corporelle avec nous. Le troisième temps est celui du nourrissage de ce transfert. 

Dans la relation téléphonique nous avons le temps de la naissance du transfert. Pour installer ce transfert, il est nécessaire que l’appelant devienne patient, qu’il se présente corporellement dans la consultation à l’extérieur, qu’il puisse repérer le corps du clinicien en tant que signifiant, c’est-à-dire, passible de supporter le transfert. La consultation à l’extérieur se retrouve dans les colonnes 2 et 3 de ma cartographie (www.rphweb.fr). 

Avec l’accord du patient et du clinicien, en position de psychothérapeute, ce dernier pourra nourrir le transfert. La visée de ce nourrissage est de faire en sorte que le patient puisse devenir psychanalysant, puis sujet. 

Ainsi, l’enjeu du premier appel consiste à faire naître le transfert. Avec des questions telles que : « Etes-vous souffrant ? », « Qu’est-ce qui vous fait souffrir ? », la visée est d’installer le transfert avec l’écoutant. Si cette greffe transférentielle prend, l’écoutant pourra inviter l’appelant à venir nourrir le transfert en consultation à l’extérieur (Cf. « Cartographie »). 

L’être dans la position de « malade » ou de « patient » veut simplement arrêter de souffrir (colonne 1 et 2 de la « Cartographie »). Le psychanalysant désire savoir (colonne 3 de la « Cartographie »). Si l’être continue à venir rendre visite au clinicien après avoir cessé de souffrir, ce n’est pas par amour du transfert, c’est parce qu’il désire savoir davantage. 

Solliciter le désir de savoir d’un appelant, d’un malade à l’hôpital, d’un patient est cliniquement improductif. En revanche, nous pouvons l’inviter à associer librement tout en manœuvrant le transfert et la conduite de la cure pendant qu’il est en psychothérapie. 

Nous pouvons attendre la présence du désir de savoir quand l’être est dans la position de psychanalysant. Nous pouvons même l’exiger éthiquement puisque, s’il se trouve sur le divan c’est parce qu’il a posé sa question au grand Autre et qu’il avait accepté de s’allonger. 

La venue de l’appelant en consultation à l’extérieur est la preuve de la naissance et de l’installation du transfert. Le fait qu’il continue à venir en psychothérapie est la preuve que le clinicien sait nourrir le transfert. 

En entrant en psychanalyse, c’est le psychanalysant qui pousse sa psychanalyse vers bon port. Le psychanalyste occupe la position d’objet a. Objet cause du désir puisque, par sa présence corporelle silencieuse, non pas morte, il est une compagnie utile quand on navigue seul dans l’océan inconnu de chez soi. 

L’appel n’est pas la preuve d’un transfert, mais la preuve d’un appel de transfert au signifiant. En répondant affirmativement, l’écoutant installe le transfert dans cette rencontre des corps matérialisée par la voix. C’est en mettant de son désir, en invitant l’appelant à venir en consultation à l’extérieur, qu’il nourrit le transfert qui permettra à l’appelant de devenir patient, ce qui fera que l’écoutant deviendra psychothérapeute. Si le patient pose sa question à l’Autre, il deviendra psychanalysant et le psychothérapeute deviendra supposé-psychanalyste. En trouvant son bon port, la sortie de sa psychanalyse, le psychanalysant devient sujet et le supposé-psychanalyste devient psychanalyste pour de vrai, au moins de cette psychanalyse-là. 

C’est avec cette logique clinique, freudo-lacanienne, que je forme les cliniciens du RPH.

 

 

 

 

La danse du transfert

Fernando de Amorim 
Paris, le 20. IX. 2011

Un des processus de naissance du transfert commence par l’appel téléphonique de l’appelant- c’est-à-dire, celle ou celui qui appelle-, vers le clinicien du SETU ? (Service d’écoute téléphonique d’urgence). D’emblée, la visée du clinicien est d’opérer pour installer le transfert, ce qui, s’il réussit l’opération, fera que l’appelant vienne à la consultation à l’extérieur, notre CPP (Consultation publique de psychanalyse). Cela est possible si l’appelant accepte d’occuper la position de patient et ainsi d’entrer dans la danse du transfert. 

Pour le lecteur novice, nous reconnaissons trois moments du psychanalyste dans sa relation transférentielle avec l’institution. Le premier est « l’hospitalisation ». Il s’agit de la rencontre entre un malade et un psychanalyste. Ce moment se caractérise par le fait que le psychanalyste, comme le médecin, va au chevet de l’être dans la position de malade ; le deuxième moment, appelé « consultation externe », comme en médecine, se caractérise par la possibilité de l’être de se déplacer hors de sa chambre et venir ainsi rencontrer le psychanalyste dans sa consultation, toujours dans l’enceinte de l’institution. Libidinalement parlant, par sa capacité de venir vers nous et non plus nous vers lui, il n’est plus considéré comme occupant la position de malade mais comme occupant la position de patient. Une fois que les médecins lui donnent leur accord de quitter l’hôpital et qu’il vient nous rendre visite hors des murs de l’hôpital, à la CPP ou à la consultation privée, il est dans le troisième moment que nous avons évoqué à la fin du premier paragraphe, à savoir, celui de la « consultation à l’extérieur ». 

En arrivant à la consultation à l’extérieur, à notre CPP, nous pouvons constater que, pour de vrai, le transfert est né à l’instant où l’appelant a pris contact téléphonique avec notre service d’écoute téléphonique. Mais cela n’est pas suffisant. Loin de là. Il faut passer au deuxième temps : l’installation du transfert. Cela est mis en place, « Selon un accord intime / Telles la main droite et la gauche », par l’écoutant. C’est une citation extraite du poème « Le gardeur de troupeaux » du poète portugais Fernando Pessoa. 

Enfin, c’est l’écoutant, mis dans la position de psychothérapeute ou de supposé-psychanalyste, selon notre cartographie (www.rphweb.fr), qui commence le temps du nourrissage du transfert

Un transfert se nourrit. Il ne s’agit pas ici de suggestion, ou de séduction, formes simplettes et feu de paille. Le feu de paille n’est pas de Charme, il est charmeur, volumineux, flamboyant et chaud pendant un temps très bref. Le Charme, lui, peut passer une nuit à brûler, se consumer. C’est ce bois-là qui intéresse le psychanalyste qui reçoit un appel téléphonique dans notre service d’écoute téléphonique d’urgence (SETU ?). 

Je rapproche le Charme de la konstante Kraft freudienne. C’est cette dimension pulsionnelle du désir que le psychanalyste compte réanimer. 

Dans l’accueil du transfert naissant (au moment de l’appel), de l’installation du transfert (par l’accueil de l’écoutant), nous pouvons repérer, ou non, la présence du désir du psychanalyste.

S’il n’y a que du désir de l’écoutant cette conversation tournera en blabla et la relation deviendra flasque et se limitera « au besoin de parler », de « vider son sac », comme disent si bien quelques appelants, exprimant ainsi le vrai de leurs intentions.

Du côté du clinicien, du psychanalyste, la présence du désir sera encore plus évidente, au moment du nourrissage du transfert. Ici il met du sien et cela pourra permettre qu’un patient, dans notre CPP, puisse devenir psychanalysant. 

Ce qui appuiera, soutiendra, toute la traversée d’une psychanalyse jusqu’à sa sortie, où le psychanalysant devient sujet, c’est la capacité du psychanalyste d’y mettre de son désir de psychanalyste. Cela est possible s’il accepte d’occuper la position de semblant d’objet a.

 

 

Réponse à Marie-Hélène Viel

Fernando de Amorim 
Paris, 12. IX. 2011

Elle m’interroge : « Peut-on dire que l’opération du clinicien recevant l’appel du SETU ?  consisterait à permettre le passage de l’« appel » au sens concret du terme (appel téléphonique) comme au sens figuré, « appel » selon la terminologie de la cartographie (www.rphweb.fr) à la formulation d’une demande, marquant l’entrée possible en psychothérapie. Cela se réaliserait en interrogeant le patient sur son désir de savoir ». Non, attendre la formulation d’une demande est faible. Soyons plus exigeants. Une demande peut constituer un transfert psychothérapeutique, mais cela risque de rester dans ce registre. C’est une ambition tiède. Visons haut, visons une entrée en psychanalyse, même si pour cela, et en ce sens je repère votre prudence, Marie-Hélène, nous devons passer par une demande, demande de rendez-vous, de rencontre avec un psychothérapeute. 

L’appel téléphonique est toujours adressé à l’Autre. Pour cette raison, et inspiré de Lacan qui avait pioché cette notion chez Mélanie Klein, j’ai souhaité élargir cette notion d’appel à la clinique du psychanalyste en téléphonie et en institution médicale. 

Nous devons toujours partir du principe que notre visée est de transformer l’appel - qu’il soit téléphonique ou sous forme de maladie organique - en désir de savoir. Pour cela, quelques éléments sont exigés : la souffrance produite par le symptôme, la présence des affects, l’ignorance et le transfert qui, supposons-nous, naîtra et sera nourri au fur et à mesure des consultations.

C’est vrai que, surtout sans le désir de savoir, l’appel ne donnera pas lieu à un rendez-vous en consultation à l’extérieur. 

Notre première tentative, face à un appel téléphonique, est de préparer le champ opératoire, effectivement. Il consiste à faire en sorte que l’être puisse montrer sa plaie. S’il s’y refuse et se cache sous des arguments moraux, illogiques, affectifs, c’est parce qu’il n’a pas de désir de savoir. Il veut juste passer son temps, tuer l’ennui. 

Il y a une dimension du réel que nous ne pouvons pas exclure. Je pense au fait que, celui qui reçoit l’appel ne puisse pas donner rendez-vous à l’appelant. Quand on souffre, on veut être entendu par la première oreille bienveillante qui pointera le bout de son nez ! Les sectes, ces religions de deuxième classe, ont très bien saisi cela. 

La différence entre une psychothérapeute et un gourou se dessine avec le temps. Les gourous sont toujours très doux et très gentils, puis, ils enlèvent leur accoutrement d’agneau et montrent leurs crocs. Les psychothérapeutes ne sont ni agneau ni loup, ils conduisent une psychothérapie vers une psychanalyse. 

Il me semble que ce qui peut justifier un appel soit la souffrance. Si nous faisons comme SOS Amitié, Dépression, Suicide et tant d’autres organisations, nous alimenterons un cercle fermé qui commence avec la souffrance (raison de l’appel téléphonique), exprime des affects qui affectent l’écoutant (conversation téléphonique), installe écoutant et appelant dans l’ignorance (le premier reste interloqué ou affecté, le deuxième vide son sac, jusqu’au prochain remplissage puisque la pulsion est « eine konstante Kraft », selon Freud). 

L’issue se trouve dans la cônification du transfert : l’écoutant adresse l’appelant vers lui-même ou vers un collègue qui puisse assurer le moment 3 de la clinique, à savoir la consultation à l’extérieur. C’est à ce moment que nous pouvons envisager une psychothérapie, voire une psychanalyse.