L'avenir de la psychanalyse

"Tout l’avenir devant elle de la psychanalyse"

Fernando de Amorim
Paris, 22. IV. 2012

 

Depuis toujours on a voulu brûler la psychanalyse car celle-ci parle de ce que nous voulons cacher, voire sublimer : nos craintes, nos haines, nos lâchetés.

 

« Quels progrès nous accomplissons ! Au Moyen-âge c’est moi qui aurais été brûlé : aujourd’hui on se contente de brûler mes livres » (Freud dans une lettre à Jones). L’aujourd’hui qui est le nôtre pose simplement la question, « Faut-il brûler la psychanalyse ? » comme s’interroge en une « Le Nouvel Observateur » de cette semaine. Encore du progrès ! Réjouissons-nous. Une époque nouvelle pointe son nez et je m’en réjouis car elle sera très favorable à la psychanalyse ! Mais pas à la psychanalyse de l’API, entendez : Administration Psychanalytique Internationale !

 

La psychanalyse exige du psychanalyste invention, création, bricolage au quotidien ce qui exige qu’il soit un psychanalyste bien accroché à son fauteuil et ami du divan, comprenez qui soit disposé à poursuivre sa psychanalyse personnelle, au-delà même de sa sortie. Influencé par les chirurgiens, je dirais que la technique de l’écarteur - procédé que j’inventai à partir de mes lectures de Freud et de Lacan, doit être utilisée par le psychanalyste jusqu’au bout de sa pratique professionnelle. Pour le dire autrement, la psychanalyse du psychanalyste est sans fin.

 

Toute cette foule de psy qui se dit psychanalyste le matin et psychiatre ou psychologue le soir devrait se décider à retourner au divan et à interroger cette manière qui est la leur, de traiter leur désir, à savoir, dans ce mi-temps, entre fugue et raison ! C’est bien cette façon de procéder cliniquement, à demi, sans désir décidé, qui produit cet effet de confusion chez les patients et dans le discours social.

 

La psychanalyse est vivante parce que le désir, son objet d’étude est vivant, au cœur de l’être. Mais pour y accéder, il faut du désir de savoir du psychanalysant et surtout, lorsque le clinicien est en institution ou en ville, avec un nourrisson ou un psychotique, du désir de psychanalyste.

 

Les psychanalystes peuvent s’adapter au discours de l’être. De là l’importance des distinctions que j’avais proposées à la communauté psychanalytique internationale sous forme de « cartographie » et à laquelle, jusqu’à présent, personne n’a prêté attention, excepté mon collègue d’école, Jean-Baptiste Legouis. Mais s’adapter n’est pas céder aux bruits des demandes incessantes et aux besoins les plus voraces. Il faut être prêt à une lutte quotidienne de défense du désir et, pour cela, c’est en occupant la position de sujet que l’être a le plus de chance de passer par ce monde en ayant le sentiment d’avoir vécu.

 

Une nouvelle génération de psychanalystes voit le jour, cultivée, désireuse et surtout disposée à ne pas céder de sa position de psychanalysant. C’est sur ce point que la psychanalyse a été trainée dans la boue de notre actualité. Pour travailler avec quelques patients, surtout ceux atteints de maladies organiques, de psychose ou d’autisme, il faut un engagement décidé de la part des acteurs du processus de soin.

 

Quand quelqu’un en psychothérapie avec un psychanalyste ou en psychanalyse dit : « De ça je ne veux pas parler », immédiatement le psychanalyste - comme avait fait Freud avec un haut fonctionnaire autrichien - doit interroger l’engagement de cet être avec son désir de savoir.

 

Ce moment, est la preuve que le clinicien est face à un nœud. S’agit-il d’un nœud d’écoute, un nœud aveugle ou nœud gordien ? Le travail du psychanalyste est de dénouer des nœuds et non de passer outre ou de se dérober en prétextant que le patient est inanalysable ou en recourant aux feuilles de soin. Tout ce qui est introduit dans le champ opératoire du transfert le contamine, quand bien même je reconnais qu’il y a des contaminations inévitables, évitables et inutiles.

 

Les psychanalystes sont appelés à un combat pour la défense de la subjectivité de l’être et non pour le rassemblement en ghetto des opinions publiques.

 

Le désir est un Bucéphale qui a trouvé dans la psychanalyse son Alexandre ! Bien entendu, les « psys », les mi-analystes, ces « cavaliers » accoutumés à monter des poneys ou des chevaux de bois, ne font pas le poids face au désir qui frappe à leur porte demandant la parole.

 

Il est fondamental que les étudiants s’engagent dès maintenant avec l’avenir de la psychanalyse !