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Du supposé psychanalyste ou psychanalyste

 

L’héritage

Fernando de Amorim 
Paris, le 13. III. 2011

 

Le problème ce n’est pas la psychothérapie. J’insiste : les psychanalystes ne sont pas, au début de la rencontre avec les êtres qui viennent les solliciter, dans la position de psychanalyste, ils sont mis dans la position de psychothérapeutes. C’est en se refusant, avec swingue, de répondre à la demande illégitime que les cliniciens auront le plus de chance d’être mis dans la position de supposés-psychanalystes (Cf. Cartographie du RPH). 

Si les psychanalystes pensent qu’ils sont d’emblée psychanalystes, comme si être psychanalyste était une place, ils tombent dans le même travers que celui des técécistes. 

Le problème est la canaille humaine qui prend le pouvoir, comme nous l’avait rappelé les auteurs du « Manifeste pour la psychanalyse ». A l’époque Freud était seul à dénoncer notre soumission à la bestialité. Aujourd’hui la légion des psychanalystes partout dans le monde ne cesse de s’agrandir, de se renforcer de jeunes cliniciens. 

Et, il est vrai, il y a des positions qui laissent la porte ouverte à nos bassesses humaines. 

Pour remédier cela, il est important que les psychistes en général puissent commencer, ou s’ils ont déjà commencé qu’ils continuent, leur psychanalyse personnelle. La psychanalyse du psychanalyste est sans fin. Elle a une sortie, et même plusieurs, mais elle est sans fin pour le psychanalyste en exercice. Ce dispositif vise à protéger la psychanalyse et le psychanalysant du moi du psychanalyste. 

Je pense qu’à l’avenir nous allons savoir qui est psychanalyste, non parce qu’il ou elle est marié, mariée, avec un, une, psychanalyste, ou parce qu’il est fils, fille, de psychanalyste, ou bien encore parce qu’il a fait pendant 5 ans ou 10 ans à raison de 4 séances par semaine, une psychanalyse, ou parce qu’il a un titre de psychologue ou qu’il est psychiatre. Qui détermine qu’il y a eu psychanalyse c‘est le psychanalysant, quand il sort de sa psychanalyse, donc, quand il devient sujet dans sa relation au réel et à l’Autre, puisqu’il trouve appui, puisqu’il trouve ressource dans l’Autre (Cf. Cartographie). 

Voici la lettre d’une dame à un psychanalyste lambda. 
« Monsieur (…) Il y a une année déjà que je me suis autorisée à prendre la porte de sortie de mon analyse, en interprétant vos silences inhabituels comme un signe de départ possible. Longtemps j’ai cru que ce jour n’arriverait pas. C’était un jeudi, et bien qu’étant sûre que huit années de travail s’achevaient, j’ai crains un instant votre appel téléphonique le lendemain, me signifiant qu’il n’en était rien. Mais il n’y eut pas d’appel vendredi, ni le lundi suivant. Je m’en étais donc sortie ! 

Pendant mon analyse, j’ai apaisé ma colère, et reconnu ce que vous nommiez « la haine de soi ». Il arrive encore parfois, que toutes deux viennent me parasiter, mais je suis plus rapide que par le passé, à les éloigner de moi. 

Mes relations avec les autres (parents, collègues, amis) sont devenues plus légères et non conflictuelles. Trois mois après la fin de mon analyse, j’ai rencontré R., l’homme avec lequel, sans doute, je vais partager ma vie un long moment. J’occupe la place de co-parent auprès de sa fille adoptive de 13 ans, F., d’origine indoue, qui apprécie ma présence. Tous les trois, nous sommes devenus une petite famille. 

Je vous écris ces quelques lignes pour vous donner de mes nouvelles, parce que j’imagine qu’un analyste est curieux du devenir de ses analysants. Pour vous dire aussi que, malgré la puissance de mes doutes quant à l’intérêt pour moi d’une psychanalyse, j’ai découvert la puissance de mon désir de savoir, à travers ce que je percevais du vôtre, de conduire ma cure. J’ai mis à l’épreuve bien souvent vos paroles qui m’avaient tant bouleversées « je ne vous lâche pas ». Mon acharnement à ne pas abandonner mon analyse a fait écho à votre ténacité à mener ma cure. Chacun depuis sa place, nous avons fait ensemble du bon travail. » 

Un autre témoignage : 
« Monsieur, Je vous remercie de tout cœur pour ces années de travail ensemble, pour vos encouragements à toute épreuve, pour votre confiance en moi qui m’ont permis d’être enfin moi-même en devenant maman. Cordialement… » 

Ces deux témoignages sont-ils la preuve qu’il y a eu psychanalyse ? Si vous, lecteur, pensez que non, ou bien que oui, faites-le moi savoir, avec les arguments qui viennent avec. 

Il me semble que nous devons aligner ce qui caractérise une sortie ou non d’une psychanalyse.

Il me paraît qu’une « école », un « psychanalyste », un « superviseur », un « contrôleur » ou « s’autoriser soi-même » ne sont pas suffisants pour dire s’il y a eu psychanalyse et donc que quelqu’un est psychanalyste. 

Je pense que durant une psychanalyse il y a psychanalysant et supposé-psychanalyste. A la sortie d’une psychanalyse, le psychanalysant devient sujet – c’est-à-dire, responsable de ses choix dans sa relation au réel, à l’autre et à l’Autre – et que le supposé-psychanalyste devient psychanalyste, au moins de cette cure. 

Cette méfiance de ma part vis-à-vis du moi des psychanalystes (en les poussant à continuer leur psychanalyse jusqu’à la sortie de leur exercice en tant que clinicien et en signalant que « psychanalyste » est une position et non une place « il est psychanalyste, au moins de cette cure » vise à admettre que la psychanalyse est mortelle, mais surtout qu’elle est et demeure, vive. 

Ces deux lettres de témoignages sont pour moi le diplôme, la preuve qu’il y a eu psychanalyse. Cette lettre est la preuve que la psychanalysante a trouvé son bon port, elle est la preuve qu’elle est devenue sujet et que le supposé-psychanalyste est devenu effectivement psychanalyste, au moins de cette psychanalyse. 

C’est le psychanalysant qui juge, qui évalue le psychanalyste et la psychanalyse. Un député, même spécialiste des oreilles, sait-il écouter et donc jugé le travail d’un psychanalyste ? 

Si l’Etat s’en mêle c’est parce que les psychanalystes ne prennent pas soin de leur héritage, héritage freudien.